Guerre en Ukraine 2023 - 2024 : déceptions et espoirs
par Bernard Antoine Rouffaer

 Le relatif échec des offensives ukrainiennes vers la fin de l'année 2023 a fait naître des doutes quant à l’issue de cette guerre. Les partisans de Kiev, ceux de l'OTAN, les pays de l'Est européen, directement confrontés, depuis des siècles, aux ambitions de la Russie, peuvent légitimement penser que les nouvelles lignes de défenses russes, profondes, fortement minées, soutenues par des forces blindées mobiles susceptibles d'intervenir efficacement aux points menacés, permettront à la Russie de Poutine de consolider ses gains territoriaux acquis au détriment de la république d'Ukraine.  Mais, d’une part, les Ukrainiens ont tactiquement beaucoup appris – et cela leur servira en 2024 – et, d’autre part, les Russes ne se sont pas spécialement renforcés (pénurie d’officiers, matériel vieillissant, aviation toujours peu active, infanterie de mauvaise qualité, flotte de la mer Noire en replis, …). L'armée de Kiev a été à deux doigts de s'ouvrir un chemin au travers des secteurs fortifiés russes. Il s'en est fallu de peu que la digue ne se rompe. L'année 2024 peut donc apporter des surprises sur le plan strictement militaire.
Mais, dans une confrontation de si grande ampleur, qui oppose la Russie à l'ensemble du monde occidental, le poids des armes n'est pas le seul à compter. L'économie, qui alimente l'effort de guerre, pèse aussi. L’Ukraine sait que sa reconstruction sera prise en charge par l’Occident, alors que la Russie ne devra compter que sur elle-même. Même si la ligne de front ne devait guère bouger à l’avenir et que des négociations devaient s’ouvrir, Moscou perdra à minima les 300 milliards de fonds russes gelés à l’Ouest, qu’elle devra céder en échange d’une paix. Et les Russes, si paix négociée il y a, devront, au moins, reculer de tout le secteur autour de la centrale nucléaire de Zaporozhye. Les gains territoriaux de 2022, par rapport aux prises de 2014 (Crimée et Donbass), resteront forcément limités. Globalement, la Russie ne retrouvera jamais la position privilégiée qui avait été la sienne sur le marché du pétrole et du gaz avant la guerre : trop dangereux pour l’Ouest. Et les effets rapides de la transition énergétique dans les pays industrialisés jouent contre tous les pays producteurs d’énergie fossile, comme la Russie. La puissance économique de la Russie, largement basée, comme celle de tout État pétrolier, sur sa liberté d'exporter vers les clients les plus intéressants, déclinera inévitablement. Quant au second secteur exportateur du pays, les armements, très beau reste de la période soviétique, cette industrie est déjà vivement touchées par les conséquences de la guerre d’Ukraine : maigres performances des armes russes, et donc baisse de prestige, pénurie de systèmes électroniques, souvent acquis en Occident, absorption de l’essentiel de la production par la Russie elle-même, pour la reconstitution de son armée, au détriment des clients externes.
Quant aux territoires annexés par la Russie, et qu’elle pourrait éventuellement conserver en cas de négociation (Crimée et Donbass), il se pourrait bien que l’Ukraine les récupère en deux semaines, sans efforts, dans 20 ans, à l’occasion d’une crise interne à la Russie…


5 janvier 2024


B.A. Rouffaer, auteur, éditeur, cofondateur du parti politique suisse des Indépendants vaudois











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