FRANCE : pluie d'or et montagne de dettes
par Bernard Antoine Rouffaer


La France se choisit un nouveau parlement. Les forces historiques à l’œuvre, le hasard des jeux de pouvoir, le talent des politiques de ce pays ne laissent face à face que 3 grandes forces : l'extrême-gauche, l'extrême-droite et le centre. Un pays géré avec soin aurait donné la primauté aux partis de la droite modérée, face à ceux de la gauche modérées, partis prudents et aux ambitions limitées.
Mais la France de 2024 n'est plus celle de 1900, ou celle de 1960. Ce pays va mal, son économie est en aussi piètre état que son système politique. Et, pire encore, ses finances, moteur de toute activité, sont dans une situation catastrophique.



La dette de l’État français s'élève à 3159 milliards d'euros (1er trimestre 2024), ce qui représente 110% de son PIB. C'est beaucoup, mais ce n'est pas tout. Si on ajoute à ce montant l'ensemble des dettes hors bilan de cet État, la somme du passif à la charge de Paris atteint le niveau stratosphérique de 6500 milliards d'euros, soit 230% de son PIB annuel (en valeur) ou 450% des recettes fiscales de l'État. Pour une nation à l'économie en déclin, au modèle social à bout de souffle, au niveau d'éducation en baisse, à la sécurité intérieure désormais défaillante, à l'indépendance monétaire compromise, à l'autonomie politique contrariée, touchée par un phénomène de désindustrialisation, c'est trop. Et augmenter encore les impôts n'amènerait à rien : avec un taux de prélèvement de 48%, la France est le pays du monde qui  a le niveau d'imposition le plus élevé. Augmenter encore les impôts ne ferait qu'affaiblir l'économie du pays, amenant à l'inverse du but recherché, soit fortifier l'activité économique afin d'augmenter les revenus du fisc.


Et cela m'amène à aborder un point déplaisant de la lutte politique qui se déroule en ce moment : Ce poids de l’État dans l'économie a un effet majeur sur la distribution de la richesses nationale, soit une pluie d'or tombant sur la clientèle des partis dominants, ceux ayant exercé le pouvoir durant ces cinquante dernières années. On sait les bénéfices divers que les amis de l'actuel président ont pu tirer de son accession au pouvoir. Mais on remarque moins les largesses dont la clientèle des partis de gauche et de l'extrême-gauche bénéficie.


Si on porte attention aux intentions de vote des catégories professionnelles françaises, on constate que les électeurs les plus portés à offrir leurs suffrages aux partis de la gauche et de l'extrême-gauche sont les enseignants (secondaire et université), les instituteurs, les personnels des Arts du spectacle, les cadres de la fonction publique, les personnes travaillant dans les secteurs du social et de la santé, les journalistes, les lycéens et les étudiants. C'est-à-dire les personnes œuvrant dans des secteurs qui cesseraient pratiquement leurs activités s'ils devaient être privés des traitements versés par l’État, de financements directes venant de cet État, de subventions libérées par cet État, ou de l'usage de locaux qui sont la propriété de l’État. Autrement dit, d'un point de vue économique, les électorats de la gauche et de l'extrême-gauche françaises n'existent que par l'effet des largesses du gouvernement. Et c'est une nouveauté en comparaison de la situation du monde ouvrier français des XIXe et XXe siècles. Or, le gouvernement n'a plus bouclé un budget excédentaire depuis 40 ans, et il ne peut continuer sa politique de funambule financier qu'en puisant largement dans les fonds que le secteur privé accepte de lui prêter.


Si l'excès d'endettement de la France devait amener ce pays à une situation semblable à celle que la Grèce a connu au cours de la seconde décennie de notre siècle, si donc la finance internationale devaient rechigner à renouveler ses prêts, nouveaux prêts qui servent à « rouler la dette » de l’État français, le scénario serait le même à Paris qu'à Athènes. Il faudrait éviter la banqueroute. La République française étant partie intégrante de l'Union européenne, c'est la Commission européenne et la Banque centrale européenne qui seraient en charge du problème. Mais la France n'est par la Grèce : elle pèse bien plus lourd dans l'économie mondiale ; presque huit fois plus. La tâche serait trop importante pour la seule Union européenne. Bruxelles devrait faire appel au FMI. C'est donc, comme à Athènes, une troïka qui prendrait les commande du ministère des finances, à Paris. Et qui, une fois installée à Bercy, manierait sur les budgets de l’État français le même genre de tronçonneuse que manie en ce moment le président argentin Milei : le budget de l’État français serait amputé de moitié.


La conséquence immédiate de ce mouvements de tronçonneuse serait de voir supprimée immédiatement la pluie d'or qui arrose les électeurs de la gauche française : plus de subventions à la presse écrite, privatisation du service publique de l'information, arrêt des soutiens aux associations à but social ou culturel, plus de subventions au cinéma et au théâtre, coupes massives dans l'éducation nationale, obligation pour les universités de s'auto-financer, coups de guillotine budgétaires dans les secteurs de la santé et du social, diminution drastique des effectifs de la fonction publique, ...


Savoir qui exercera le pouvoir politique en France dans la prochaine décennie, et comment seront gérées les finances publiques de cet État est donc d'un intérêt capital pour l'avenir des partis de la gauche et de l'extrême-gauche de ce pays.

6 juillet 2024

B.A. Rouffaer, auteur, éditeur, cofondateur du parti politique suisse des "Indépendants vaudois".






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