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ECONOMIE: textes (2)
Paradise Papers pour les uns et précarité pour les autres !
Alors qu’on demande à ceux qui ont moins de faire des efforts, ceux qui ont plus voire trop bénéficient de montages financiers type « poupées russes » pour ne pas payer d’impôts. Du moins, pour en payer le moins possible. C’est ce que révèle la dernière affaire dans le domaine de l’évasion fiscale. Celle des « Paradise Papers » qui éclabousse le fonctionnement des sociétés de placements extraterritoriales. Communément, appelées offshore. On est à peine remis de l’onde de choc provoquée par le scandale, l’an dernier, des « Panama Papers » - littéralement en français « documents panaméens » - qu’on est à nouveau assommé par une nouvelle affaire. Pour rappel, en avril 2016, une fuite provenant du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca permettait la divulgation de 11 millions de documents confidentiels. Détaillant les activités de 214’000 sociétés offshore qui n’ont comme seule finalité que la soustraction fiscale. Les faits remontant déjà jusqu’aux années 1970. On parle même de fraude fiscale et de blanchiment d’argent.
Initialement envoyées au quotidien allemand « Süddeutsche Zeitung » en 2015 les données ont rapidement été partagées avec les rédactions de médias dans plus de 80 pays par l’intermédiaire du consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) basé à Washington. Avec les « Paradise Papers » - fuite de milliers de documents du cabinet d’avocats Appleby - les structures dévoilées ne sont certes pas illégales, dans la plupart des pays concernés mais l’aléa moral du public en prend un sérieux coup. Comment faire encore confiance à ces leaders de la finance, de l’industrie, du vedettariat ou encore de la politique qui expriment si peu de solidarité avec le bas peuple mais qui s’en servent pourtant allègrement ? On apprend que des membres de l’entourage du président Poutine comme tout l’appareil politique du Premier ministre canadien Justin Trudeau en passant par la reine d’Angleterre emploient eux aussi ces structures. Pour éluder leurs obligations fiscales. Mais aussi des hommes d’affaires, des vedettes du show-business et du sport figurent au nombre des indélicats. On y trouve également des multinationales telles qu’Apple, Facebook, Uber, Twitter, Glencore, Wells Fargo ou encore le groupe Louis-Dreyfus, pour ne mentionner que celles-ci. Un cas flagrant est celui évoqué par le journal « Le Monde » ayant collaboré avec le consortium international des journalistes d’investigations : l’équipementier américain Nike pratique l’optimisation fiscale par une série de montages financiers entre les Pays-Bas et les Bahamas, lui permettant au final de réduire son taux d’imposition à un malheureux 2% sur ses profits réalisés en Europe. Comment de riches clients de la firme française Dassault Aviation achètent leur jet privé par le biais d’une société écran maltaise pour éviter taxes et impôts. Alors que faire ? Selon les calculs effectués pour l’ICIJ et l'économiste français Gabriel Zucman, cette évasion de capitaux des entreprises et des grandes fortunes représente 350 milliards d’euros de pertes fiscales par an aux États du monde entier. Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz clame haut et fort qu’il faudrait pratiquer une tolérance zéro pour ces individus et personnes morales si peu patriotiques. Qui ne font qu’accroître les inégalités sociales. Dans tous les cas, il faut en parler. A l’abri du tort des analyses fondées sur la morale, il s’agit de s’indigner. De maintenir la pression, si on veut que les choses changent !
François Meylan
Conseiller financier indépendant et chef d’entreprise
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Sur la presse d'opinion
J'aimerais qu'il me soit permis de dire quelques mots à propos de la presse, et plus précisément de la presse en Suisse romande.
La disparition de L'Hebdo est une tragédie pour la diversité de la presse locale, indépendamment de sa ligne éditoriale: c'était l'un des derniers médias à revendiquer, je l'ai dit à plusieurs reprises, une position politique assumée. C'était un magazine qui avait les coudées franches et ses opinions en ont dérangé plus d'un tout au long de sa (trop) courte existence. Mais n'est-ce pas ce que l'on peut attendre d'un média? Je veux dire, à quoi bon s'informer si cela ne suscite en nous aucune espèce d'émotion, de réflexion? Je crois, et ceux qui me suivent le savent bien, en l'importance et la nécessité d'une presse d'opinion. Je n'ai rien contre les médias qui adoptent une ligne différente: c'est un choix, et je ne me permettrais jamais de dire qu'il y a une manière de faire ce métier qui serait forcément meilleure qu'une autre.
La presse d'opinion a toujours existé, et pour dire vrai, elle remplit à elle seule la quasi-totalité des archives de l'histoire de notre métier. Depuis quelques décennies toutefois, cette presse-là a perdu son monopole de fait dans le traitement de l'information. Il y a aujourd'hui une autre ligne, celle des médias généralistes, qui se veulent beaucoup moins, voire pas du tout politisés. Je n'ai rien à dire contre cette façon de faire. Je ne partage simplement pas cette vision.
Je lis des dizaines d'articles par jour, regarde de nombreux reportages, et il y a souvent des biais, une vision qui transparait. Comment cela pourrait-il en être autrement? Un journaliste est un être humain comme les autres: il est le produit de son vécu, a ses propres repères, sa manière singulière de comprendre et de rendre compte du monde tel qu'il se présente à lui. C'est ce qui fait la richesse de notre métier, et, j'en suis convaincu, cela ne doit pas être une honte. Nous ne sommes pas objectifs, car cela supposerait une capacité hors-norme à faire abstraction de soi-même. Nous pouvons être neutres, ce qui n'est pas tout-à-fait la même chose. Donner la parole aux parties prenantes. Ne pas prendre parti. Cette démarche est tout aussi louable que d'affirmer une opinion et de la présenter comme telle à ses lecteurs. Je veux que l'on me comprenne bien sur ce point, car je ne remets nullement en cause le travail de tous ces collègues qui le font au mieux et le font très bien.
Pourtant, je m'inquiète de voir à quel point la presse d'opinion est menacée. Il ne reste que quelques titres dans le paysage romand, et leur survie n'est pas forcément acquise. C'est dommage, car cette presse a autant d'importance pour la diversité de notre paysage médiatique que les journaux généralistes. Elle fait vivre le débat, et nous avons en Suisse la chance d'avoir une démocratie parmi les plus vivantes du monde, où chaque citoyen est appelé à se prononcer sur des enjeux communaux, cantonaux et fédéraux. Combien nous envie ce privilège! Or, le paysage médiatique se rétrécit de façon inquiétante et cela paraît presque inéluctable. Je n'aime pas la résignation et je crois qu'il y a toujours la place pour défendre un média d'opinion, et par opinion, je ne veux pas dire un journal de parti. Car celles et ceux qui critiquaient L'Hebdo pour sa dimension très fortement européenne, notamment, sont bien malhonnêtes de comparer ce titre à des journaux de parti. Je vous invite, si vous en avez l'occasion, à comparer un journal de parti à L'Hebdo, ou au Courrier, qu'importe. Les différences vous sauteront immédiatement aux yeux. Faire de l'opinion n'est pas contraire à l'esprit d'une presse exigeante, dédiée à la recherche de la vérité.
Je suis convaincu qu'un journal d'opinion peut très bien être indépendant d'un parti, d'une obédience, d'un intérêt financier particulier. C'est même souhaitable: l'objectif, toujours, est d'aller au-delà de ce qui nous est présenté, de creuser, de s'interroger, de titiller. Quitte à devoir se fâcher avec ceux qui pourraient défendre des idées proches des nôtres. Je crois qu'un bon journal d'opinion repose d'abord sur une philosophie, une vision de la société, et pour que cela fonctionne et apporte quelque chose aux lecteurs, il faut de la souplesse dans les esprits de ceux qui composent ledit journal. Lisez Le Courrier, journal de gauche assumé, et vous serez surpris de lire des opinions très diverses. Ce média se montre aussi critique vis-à-vis des élus de gauche. Seules les mauvaises langues affirmeront l'inverse. Je crois qu'un bon journal d'opinion ne peut être crédible qu'en combattant la complaisance, mais aussi en affirmant haut et fort les valeurs qu'il défend. Défendre des valeurs, des principes, ce n'est fort heureusement pas l'apanage des partis, ni des puissants de ce monde.
L'exercice de l'opinion est périlleux, car il implique de connaître son sujet, de l'étudier à fond, ne pas se limiter à la déclaration de principe, puisque sinon cela n'aurait aucun intérêt pour le lecteur. J'ai souvent entendu des gens me dire qu'une presse d'opinion ne serait pas compatible avec des enquêtes. C'est faux. Car c'est justement en creusant que l'on peut se faire un avis, et voir jusqu'à quel point ce que l'on tient pour juste l'est vraiment en définitive. Si l'on veut prouver que nous avons raison de penser de la façon dont nous le faisons, alors il faut mettre ses idées à l'épreuve des faits. Nous vivons une époque que l'on qualifie de post-truth, de post-facts, or une bonne opinion doit reposer sur des faits, c'est l'interprétation de ces faits qui en fera une opinion de bonne ou de mauvaise facture. Je ne me sens pas, à titre personnel, dépositaire de la vérité. Il y a d'un côté les faits, et de l'autre l'idéal de la vérité. La presse d'opinion ne doit pas tordre les faits pour qu'ils correspondent à sa réalité, mais bien toujours remettre en question ce qui nous est présenté comme la vérité.
Je pourrais écrire encore et encore à ce sujet. Je suis profondément attaché à la presse d'opinion, et ai pour elle un amour sincère. J'y crois et j'espère vivement que la disparition de tels journaux n'est pas inéluctable, car je suis convaincu de leur importance pour le débat public, pour l'esprit critique. Les idées donnent de la saveur au monde et les faire vivre est ce pourquoi je souhaite me battre.
Mon rêve serait de pouvoir fonder un tel média, et en défendre la pertinence. Un jour, peut-être... En attendant, mon inquiétude face à l'appauvrissement du paysage médiatique va grandissante. J'espère que la disparition de L'Hebdo permettra de réveiller les consciences. Rien n'est jamais perdu, mais pour cela, il faut combattre, et ne pas céder à la résignation. Oui, ne nous résignons pas, car se résigner, c'est mourir un peu, et c'est tellement triste de voir des médias mourir parce que certains n'y croient plus...
Grégoire Barbey 25.1.2017
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Le néolibéralisme est l’ennemi du libéralisme
Le bien et le trop bien ou encore le peu et le trop peu résument l’amalgame entre le libéralisme et le néo-libéralisme.
Si le terme « néolibéralisme », voire « ultralibéralisme », est un terme plutôt vague, son idéologie illustre une vision de l’économie des plus radicales. Celle qui oppose le capital à l’État. Ce qui veut dire que le capital est promut au-dessus de la collectivité. Il prime sur l’État nation et sur le bien commun. Pire, l’État est à combattre. Il est à affaiblir. Il coûte. Il empêche et il régule. Il est le dernier rempart à toutes sortes de libéralisations et de privatisations. Le plus ennuyeux encore est qu’il transcrit, généralement sous l’impulsion du législateur, la moralité dans le Droit. Le Droit avec un grand « D » qui devrait s’appliquer à tous.
Alors que dans la pensée libérale qui prend ses sources déjà dans l’Antiquité avec le philosophe Aristote, l’État est important. Il est même indispensable au développement du libéralisme. Parce que l’État est souvent arbitre. Pour le moins, il doit garantir la justice et la stabilité du vivre ensemble. Sans ces préalables, le libéralisme ne peut s’épanouir. Puisque humaniste qu’il est le libéral ne peut se développer et s’élever dans un univers de sauvagerie et de brutalité. Dans lequel un marché sans foi ni loi encouragerait la réalité d’une « économie » Far-West. Dans laquelle le lent est mangé par le rapide et le petit est tué par le gros.
Pour nous faire avaler la pilule nauséabonde du néolibéralisme – néo comme nouveau en grec – on réduit dans le discours la pensée libérale. Comme à la page 35 de son livre de nature didactique et de bonne qualité Comprendre l’économie politique , l’économiste suisse Philippe Paoly résume le libéralisme comme suit :
« L’individu prime sur la collectivité. L’individu est libre. Le libéralisme est lié à l’économie de marché. »
Ce qui est faux. L’épanouissement économique de l’individu est étroitement lié au destin du bien commun et du vivre ensemble. Aussi, l’individu ne supplante pas la collectivité. Une vérité est plutôt que l’interdépendance s’impose naturellement. L’individu est libre certes. Mais sa liberté s’arrête où celle des autres commence. C’est un principe élémentaire de la pensée libérale qui on a trop tendance à l’oublier promeut avant toute chose la responsabilité individuelle.
Heureusement, le même auteur privilégie la moralité quand il nous parle d’Adam Smith – philosophe et économiste écossais des Lumières qui reste dans l’histoire comme le père des sciences économiques modernes. Son œuvre majeure La Richesse des nations , publiée en 1776, demeure l’un des éléments fondateurs du libéralisme économique.
Philippe Paoly résume qu’Adam Smith admet, dans la dernière partie de son ouvrage, qu’il doit y avoir des règles pour des raisons éthiques. Ces règles proviennent de la morale et du droit, donc d’un État fort.
Les néolibéraux, qui prétendent revisiter, voir réformer le libéralisme, occultent intentionnellement ou par ignorance cet d’aspect du philosophe écossais.
La survie du libéralisme et de là de notre système économique actuel, qui reste le moins mauvais que notre civilisation ait connu, passe certainement par l’énoncé du sociologue et philosophe français Edgard Morin, dans son ouvrage Où vont les valeurs, 2004 .
« Aujourd’hui, le thème de terre patrie doit inclure les patries singulières et non par les détruire. La relation entre le genre humain et l’individu passe par le développement de la citoyenneté terrestre. Le citoyen est celui qui se sent responsable et solidaire. »
François Meylan
Lausanne, le 31 juillet 2016
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En théorie "toute théorique", l'économie européenne - en particulier celle des pays les plus à l'est - devrait repartir fortement. Pourquoi ?
1 - Le coût de l'énergie s'est effondré. L'Europe est une consommatrice d'énergie et, peu ou pas, une productrice (exception notable de la Norvège et/ou de l’Écosse). Un effondrement du coût de l'énergie devrait doper fortement toutes les industries européennes en augmentent leur marge de plusieurs dizaines de % (l'impact peut être énorme).
2 - L'euro, quoiqu'on en dise, est une des grandes monnaies de réserve mondiale et le reste...Il représente une grande part des échanges et a vocation à remplacer le dollar dans certains échanges. Malgré tous les problèmes, elle ne semble pas avoir perdu beaucoup de terrain, car il n'existe, à part l'or, peu de substituts... Le Yen perd cette valeur de refuge et le Franc Suisse est piloté politiquement pour éviter qu'il le devienne encore plus (monnaie de réserve).
Au niveau international, les "concurrents" sont dans des passes plus compliquées :
3 - Les géants asiatiques (Chine. Inde) vont faire face à des défis colossaux dus en grande partie à leur gigantisme, une corruption massive et des problèmes sociaux à venir d'une ampleur inégalée ailleurs. Ces défis vont attaquer leur compétitivité.
4 - Les USA "se cherchent" mais restent la première puissance mondiale, en particulier la première puissance en terme de recherche et d'investissement dans les industries (informatiques, robotiques, ...) de l'avenir. Néanmoins, les incertitudes politiques et économiques (chute du prix des énergies) vont faire sentir leur poids, et on ne sait pas encore à quel point.
Revenons en Europe.
En théorie, ce serait les pays de l'Est qui devraient tirer parti les premiers de cette reprise en étant prêts, grâce à une main d'oeuvre qualifié et moins chers qu'à l'Ouest, à "prendre" les commandes, en particulier de services, des industriels de l'ouest de l'Europe. Dans un premier temps, en sous-traitance, ce qui tirera, à terme, leur niveau de vie vers le haut (à nouveau).
Malheureusement, ces éléments théoriques sont contrariés par la crise politique de grande ampleure qui secoue l'Europe à plusieurs niveaux :
- La crise migratoire qu'elle se prend de plein fouet, la faisant douter de ses propres principes et l'exposant de fait à des dépenses qui pourraient être importantes, ce qui qui la détruit politiquement.
- La désunion manifeste de ses membres. Il n'y a plus aucune ligne commune entre une Pologne conservatrice et une Espagne en roue libre voir un Royaume-Uni qui pourrait sortir de l'Union.
- Le risque de guerre sur son sol . La Russie est une menace beaucoup plus sérieuse que l'EI à bien des égards qui va forcement impacter les budgets de défense au détriment d'autres budgets.
- L'absence de confiance en soi. Personne ne croit plus en l'Europe...ou du moins pas grand monde. Et sans confiance, difficile même de marcher sur une voie facile.
- Le niveau des prélèvements "inutiles" qui massacre le pouvoir d'achat des Européens. C'est une classe politique corrompue qui assure la "stabilité morbide" d'un capitalisme de connivence fait de subventions avec de l'argent public, favoritisme et autres malversations, qui au final est le premier problème européen. Combien d'argent retiré de l'économie "réelle" pour simplement faire vivre une classe de parasites qui ne produisent rien, ne vendent rien, ne font rien fonctionner ?
Pierre-Jean Duvivier 16.4.2016
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