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Articles sur cette page (au moins les premiers...) :
Covid-19, la crise économique qui vient
Asie : Inde, Chine, laquelle faut-il craindre ?
La Chine rouge menace la Chine bleue
Recension : « L'empire des polices
Comment Napoléon faisait régner l'ordre »
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Covid-19, la crise économique qui vient
par Bernard Antoine Rouffaer
Notre système économique, en Europe, en Asie, en Amérique du Nord, repose sur les échanges, les flux de personnes, de capitaux, de marchandises. Les individus font circuler l'argent, circulent eux-mêmes, mènent leurs affaires, en font faire à d'autres. Bloquer ces flux revient à asphyxier le système économique.
C'est ce que les gouvernements de nombreux pays du monde ont décidé de faire afin d'entraver la circulation du SARS-CoV-2. Le confinement est une mesure de fortune, un peu désespérée, qui ne donne de résultat que momentanément. Mais, devant l'impréparation, devant l'imprévoyance, devant l'irresponsabilité, il ne restait plus que cela. Comme en Chine, mais après avoir gaspillé un délai d'alerte de plus d'un mois.
Ce qui ne sera pas momentané, par contre, c'est bien le choc reçu par l'économie mondiale. Et les estimations du niveau de la récession, cette baisse continue de la création de biens et de services dans une économie, tombent désormais régulièrement. Et, derrière les chiffres, il y a les réalités, les personnes.
Selon le FMI, l'Europe va être durement frappée ; l'Italie va subir, en 2020, une récession de - 9,1%, l'Espagne de - 8%, la France de -7,2%, l'Allemagne de -7%, le Royaume-Uni de - 6,5%. Ce même organisme nous annonce un rebond d'activité en 2021, mais après quels dégâts ? Les dettes des États, déjà élevées, vont lourdement augmenter. Celle de la France va très probablement atteindre les 120% de son PIB. L'économie des USA va se contracter, en 2020, de - 5,9%.
Les grandes sociétés ne seront que peu touchées par la diminution momentanée de leur chiffre d'affaire, et par la nécessité du recours supplémentaire à l'endettement. Elles disposent de réserves, elles savent pouvoir compter sur les crédits bancaires obtenus avant la crise ; en cas de resserrement du crédit par les établissements financiers, elles peuvent émettre des obligations - captant ainsi directement l'épargne privée - ou faire jouer leurs réseaux d'influence au sein du système politique pour contraindre les banques privées à leur consentir de nouveaux prêts. Par- dessus tout, les grandes entreprises peuvent compter sur le soutien des banques centrales. L'immense majorité d'entre-elles, donc, ne périra pas.
Mais ce qui s'applique aux grandes entreprises ne l'est pas aux petites. Ces dernières sont plus fragiles, souvent dépendantes de grosses sociétés, très exposées à un seul marché ou à un nombre réduit de clients. Et leur trésorerie n'est bien souvent que fort peu garnie. Elles ont du talent, mais le souffle court. Dans cette triste affaire, ce sont les PME qui payeront le prix le plus lourd.
Concrètement, cela signifie des faillites nombreuses, des dettes non-recouvrables, une énorme perte de capitaux et de compétences, une destruction de structure, du chômage de masse, de la détresse sociale. Dans les pays développés, les assurances sociales, les États, viendront en aide à tous ces malchanceux. Cela les aidera à passer ce cap difficile, sans leur épargner les souffrances liées à la perte de leur statut social. Les pays d'Europe, hélas, ne sont pas les USA : on ne s'y relève pas aussi facilement. Malheur à celui qui a fait faillite !
En Europe, en Amérique du Nord, des organismes encadrent et soutiennent les chômeurs et les gens sous-employés, ils font en sorte que les dégâts sociaux ne deviennent pas trop graves. Mais nombre de pays ne connaissent pas ces allégements. Leurs États n'y ont pas les moyens d'aider les chômeurs, les petits entrepreneurs ayant fait faillite, les indépendants sans clients, tous les fragiles acteurs du secteur informel. Dans beaucoup de régions pauvres du monde, c'est à la famille que revient la charge d'aider ses membres en difficultés.
Jetons un œil sur les emplois menacés dans de semblables régions.
Voyons ce qui se passe au Moyen-Orient. L'Organisation arabe du tourisme prévoit des pertes de 40 milliards de $ d'ici fin avril ; 1,7 millions d'emplois y sont menacés. Passons en Afrique noire : en Afrique du Sud, 1,5 millions d'emplois liés au tourisme risquent de disparaître, 95% des avions des compagnies aériennes de cet immense continent sont cloués au sol. D'après la Banque Mondiale, la récession en Afrique, en 2020, devrait se situer entre -2,1% et -5,1%, dans des pays où la progression démographique ne ralentit pas. Toujours selon la Banque Mondiale, l'Afrique du Sud et le Nigeria, les deux géants économiques du continent, devraient subir une récession de - 6% à -7%. Selon l'Union Africaine et l'ONU, entre 20 et 50 millions d'emplois, formels et informels, sont menacés.
Ces pertes économiques n'auront-elles que des conséquences sociales ? Certes, non ! L'explosion de la pauvreté, dans un contexte de progression démographique, au Moyen-Orient, en Afrique noire, en Asie du Sud, est la porte ouverte à des troubles sociaux. Et, dans des pays qui n'ont guère les moyens de satisfaire des revendications sociales, qui connaissent la dictature, les inégalités économiques les plus franches, qui sont fragilisés par des antagonismes confessionnaux ou ethniques, un tel échauffement des populations est la voie la plus directe vers des explosions de violence. La Syrie, en ce siècle, a connu un semblable processus destructeur, jusqu'à la guerre civile, la destruction de son patrimoine et l'exode d'une part massive de sa population.
Quand les esprits se seront calmés, pour ce qui est de cette crise du Covid-19, il faudra faire le compte des craintes, des pertes réelles, des exagérations, et des responsabilités.
Bernard Antoine Rouffaer
15.4.2020
Quelques sources:
"Coronavirus: la plus terrible récession mondiale
depuis 1929, selon le FMI" Grégoire Normand,
"La Tribune", 14.4.20
"Coronavirus: ces chiffres qui racontent le choc
économique historique" Antonio Rodriguez/AFP,
"La Tribune", 1.4.2020
"U.S. Jobless Claims Soar to Once.Unthinkable Record 6,65 Million", Katia Dmitrieva, Bloomberg,
2.4.2020
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Asie : Inde, Chine, laquelle faut-il craindre ?
Nouveaux missiles, essais d'avions furtifs, corvettes et frégates lancées en séries, nouveaux sous-marins, nouveaux porte-avions, défilés militaires impressionnants..., la Chine montre ses muscles. Et elle les montre en particulier face à l'Inde, sa plus grande rivale asiatique. Laquelle, modestement, n'en fait pas autant. Et le pourrait-elle, cette Inde, patrie de Gandhi, ce pays de brahmanes, amateurs de non-violence et de végétarisme... ?
En fait, si on se plonge dans l'Histoire, la réalité n'est peut-être pas si évidente qu'il pourrait y paraître.
Si l’on compare les fastes militaires respectifs de l’Inde et de la Chine, depuis 1800, la balance penche sérieusement du côté indien.
Alors que l’Inde réalisait sa modernisation militaire – dans l’armée de la East India Company, - à Calcutta, Bombay et Madras -, dans le royaume de Mysore, sous Hyder Ali et Tipoo Sahib - , ou dans le royaume sikh fondé par Rangit Singh, la Chine, gouvernée par la dynastie mandchoue, stagnait.
Alors que l’armée de l’Inde britannique (composée à 90% de natifs de l'Inde), avant 1850, manquait de peu de saisir le sud de l’Afghanistan, conquérait le royaume birman et la Malaisie, l’armée chinoise s’effondrait face à la puissance britannique pendant les Guerres de l’Opium (1839-1842, 1856-1860).
En 1894-5, l'armée chinoise, pourtant modernisée à grands frais, connu la défaite, sur terre et sur mer, face aux armées japonaises. Des troupes indiennes ont participé à la répression de la révolte des Boxers, en Chine, en 1900, aux côtés de contingents des Etats-Unis d'Amérique, de France, de l'empire de Russie, de l'empire du Japon, de l'empire d'Allemagne, ...
Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée de l’Inde britannique réalisait l’invasion de l’Irak ottomane dès 1914, renforçait les troupes de l’empire britannique en Égypte - permettant les offensives d'Allenby sur Jérusalem, puis Damas -, et expédiait des divisions en France. La Chine, pendant ce temps, était militairement hors-jeu. Pendant l’entre-deux-guerres, la Chine républicaine subissait les empiétements nippons (1931), puis une invasion particulièrement brutale en 1936, sans que son armée se montre capable de la contenir.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les troupes indiennes ont participé à la guerre du désert, en Égypte, en Libye et en Tunisie, contre la coalition germano-italienne. Des divisions indiennes ont combattu en Malaisie et en Birmanie en 1942, ont participé à la conquête de l’Italie entre 1943 et 1945. L’armée de l’Inde britannique a stoppé l’offensive japonaise de 1944 à Imphal et Kohima, puis mené la reconquête de la Birmanie en 1945. Pendant ces années, l’armée chinoise nationaliste prenait douloureusement les coups de l’armée du Mikado - elle subira une terrible offensive nippone en 1944 encore - ou en était réduite, avec les communistes, à la guérilla…
Après l’indépendance de 1947, l’armée de la nouvelle République indienne – c’est-à-dire l’armée de l’Inde britannique sous un nouveau pavillon – a mené avec succès trois guerres contre le Pakistan (1947, 1965, 1971). Si elle a semblé flancher face aux troupes maoïstes en 1962, elle la dû à des années de désinvestissement et à la naïveté du gouvernement Nehru.
Cela, les historiens militaires le savent. Pourquoi donc le gouvernement indien ne le fait-il pas mieux connaître ? Je crois qu'il faut chercher la raison de cette modestie dans la culture dominante en Inde : l'hindouisme, et dans son élément le plus puissant, le brahmanisme. Le brahmane est un prêtre, ce n'est pas un guerrier. Il fut, d'ailleurs, souvent, en opposition frontale avec lui. De la même manière qu'il empêcha pendant des millénaires la rédaction de chroniques historiques, écrites au profit des rois et des empereurs du sous-continent, il répugne à valoriser, aujourd'hui encore, la violence, et les instruments de celle-ci. On peut ajouter à cela le fait que, pendant des siècles, les étrangers se sont battu pour aller en Inde faire du commerce, alors qu'il était interdit aux hindous de franchir la mer (les « eaux noires »). Cela forge une mentalité.
New Delhi est bien moins douée que Pékin pour la propagande, mais, si, sur deux siècles, on devait comparer l’histoire militaire de ces deux puissances, la balance ne pencherait pas du côté de la Chine.
Ceci, c'est pour le passé, mais, à l'avenir, laquelle des deux puissances devrait s'imposer en Asie. Heureux celui qui saurait le dire. Mais les ambitions ne sont pas les mêmes: l’Inde a une posture défensive, alors que la Chine est nettement expansionniste.
La Chine doit maîtriser des technologies de pointe navales et aériennes pour pouvoir poursuivre ses objectifs politiques dans l’océan Indien ou en mer de Chine. L’économie chinoise est tournée vers l’import-export, donc vers la mer, ce qui est beaucoup moins le cas de l’Inde. En cas de conflit avec sa rival asiatique, la Chine, pour préserver son commerce, devra contrôler et sécuriser le détroit de Malacca, les vastes espaces sud de l’océan Indien et l’accès à la mer Rouge. La marine chinoise évoluera donc dans le domaine maritime de l'Inde, à proximité des bases aériennes et navales de son ennemie. A cela, on ajoutera la complicité hostile des marines occidentales. La partie pourrait ne pas être facile.
Avec la masse de l’Himalaya, qui sépare les deux adversaires, et le tracé des routes maritimes les plus rentables, la géographie favorise plutôt l’Inde. Un affrontement entre ces deux puissances devrait, logiquement, aboutir à un match nul.
Bernard Antoine Rouffaer
1.2.2019
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La Chine rouge menace la Chine bleue
Les pressions militaires et diplomatiques de Pékin sur Taïwan s'accentuent : tentative de dissuader les escales de navires militaires us, pressions pour empêcher toutes ventes d'armes à la Chine nationaliste, vols provocateurs de l'aviation communiste dans l'espace de la défense aérienne taïwanaise. Malgré des décennies de croissance industrielles et d'ouverture diplomatique, la Chine de Pékin n'a rien abandonné de sa politique agressive envers sa petite rivale nationaliste.
Dans le cas d'une tentative armée des forces communistes sur l'île rebelle, qu'elle serait le scénario le plus probable ? On penche sur une triade prévisible : tirs massifs de fusées et de missiles sur des objectifs militaires et civils, blocus naval et aérien, débarquement d'une force d'invasion sur les côtes de l'île.
Examinons les chances de réussite d'un tel programme. Si une armée de terre ou une aviation ne parvient pas à s’organiser pour survivre à une première attaque de missiles et de fusées, c’est qu’il y a un problème de commandement… On dit l'aviation de Taïwan bien préparée à subir un tel choc. La marine souffrira d'avantage : les grands navires à l'ancre sont des cibles faciles. Elle subira probablement un « Tarente 1940 » à coup de missiles.
Pour le blocus naval que pourrait imposer Pékin, il causera autant de difficultés à la Chine qu’à Taïwan, puisque les exportations-importations chinoises passent par la mer. Or, Canton n’est qu’à 500 km au sud des côtes de l’île, et Shanghai à 600km au nord. Les missiles anti-navires de la famille Hsiung Feng dont dispose Taïwan ont une portée qui peut aller jusqu'à 300 km et peuvent être tirés depuis des chasseurs-bombardiers. Les bâtiments civils sont de construction fragile et sont dépourvus de système anti-missiles. Il y aura donc des pertes dans les portes-conteneurs à destination de ces deux ports. Cela dissuadera plus d'un armateur. Pour que les ports du nord de la Chine puissent fonctionner correctement, il faudra que la Corée du Sud et le Japon – probables prochaines cibles de Pékin après Taïwan – renoncent à interdire leurs eaux aux navires voulant y entrer ou en sortir. Ces ports (Dalian, Tianjin, Quigdao, Qinhuandao, Shanghai, ...) seront entravés par le moindre excès de zèle des douanes japonaise et sud-coréenne (inspection soigneuse des cargaisons en vue d’empêcher les transports d’armes…). Ceux du centre ( Ningbo, Fuzhou, Xiamen, ...) seront bloqués par l’aviation, les missiles et, dans une moindre mesure, la marine de Taïwan. Reste ceux du sud, Canton, Shenzhen et Hong Kong, par lesquels devra alors passer l’essentiel des importations et exportations de Chine continentale. Il y a là, déjà, un premier problème logistique terrestre. On comprend mieux l’importance que Pékin accorde aux eaux de la Mer de Chine méridionale (Spratleys, Paracels), qu’elle dispute aux puissances régionales (Vietnam, Malaisie, Philippines ,...): c’est la route que les convois chinois devront emprunter pour atteindre le détroit de Malacca. On peut en déduire que lorsque ces îles seront équipées par la marine et l’aviation chinoise, Pékin sera prête à s’occuper de Taïwan. Pour Pékin, la possibilité de continuer à faire circuler librement les portes-conteneurs et pétroliers à destination de ses grands ports sera l’élément déterminant.
Pour ce qui est d’un débarquement sur l’île même, la côte qui fait face au continent est urbanisée (sauf la zone de Chaiyi et Yunlin), puis dominée par des montagnes, ce qui favorisera la défense; tout se jouera donc par la puissance de feu, dirigée contre les dépôts sur les plages et la noria de petites embarcations affectées au ravitaillement des troupes chinoises (de Pékin). L’île n’est pas très grande. Mais elle est montagneuse, ce qui change l’évaluation des distances. Celui qui galope en terrain plat et désertique, marche en terrain cultivé et partiellement construit, rampe en zone boisée et montagneuse. L'armée de Taïwan compte 3,8 millions de réservistes. La violence de l'agression chinoise suscitera inévitablement des réactions vengeresses chez ceux qui en seront les victimes. Qui, parmi les citoyens de Taïwan, peut être sûr qu'il ne finira pas comme les étudiants de la place Tian'anmen ...? Les combats risquent donc de durer.
Globalement, l’état des économies déterminera le « vainqueur » de l’affrontement. Il ne faut pas perdre de vue que cette guerre, si elle a lieu, sera très politique et très économique. L’impact sur les importations/exportations chinoises (de Pékin) sera tel qu’il ébranlera inévitablement la société continentale. De même, sur le plan diplomatique, et sur celui de l’opinion mondiale, une agression contre Taïwan sera ruineuse pour l’image de la Chine Populaire. Plus les combats dureront, plus Pékin souffrira. Or, la Chine continentale a un besoin vital du reste du monde. Et le reste du monde fourmille de petits pays qui craignent de grands voisins… Mener une guerre rapide et décisive contre un pays petit et peu armé est possible; or, Taïwan est très armé, et se prépare au choc depuis des décennies.
Bernard Antoine Rouffaer
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« L'empire des polices
Comment Napoléon faisait régner l'ordre »
Jacques-Olivier Boudon
La Librairie Vuibert 2017
Quand on évoque la puissance de Napoléon Bonaparte, on parle surtout de sa « Grande Armée » ; on parle de Marengo, d'Austerlitz, d'Eylau, de Wagram, du col de Somossierra, de Borodino. Mais on parle peu de sa police. C'est pourtant sur elle que reposait une large part de son autorité.
Non que le régime napoléonien puisse être qualifié de « régime policier » - les succès rencontrés par la politique du Premier Consul, puis empereur, dans la pacification des campagnes, la rénovation des procédures administratives, l'apaisement des rapports entre l’Église et l’État, la stabilisation de la monnaie, la refonte des codes de lois, l'amélioration des réseaux de communication, l'établissement de manufactures, le rééquilibrage des finances de l'Etat, le retour à une sécurité personnelle, suffisaient en grande partie à satisfaire l'opinion – mais que, au sein d'une nation accoutumée aux retournements politiques et très apte aux luttes de partis, la présence et l'action d'une force de police efficace était indispensable.
Sans compter la chasse aux insoumis et aux déserteurs, puisque l'une des grandes réformes des gouvernements révolutionnaires, puis de l'empire, fut de faire passer les effectifs de l'armée de 200 000 hommes à plus de 700 000 par l'introduction de la conscription. Cet impôt du sang, presque inconnu de l'Ancien Régime, mal accepté par les populations, spécialement dans le sud et dans l'ouest de la France, outre qu'il déclencha l'insurrection vendéenne, alimenta un mécontentement latent et fournit une bonne part de ses occupations aux forces de police du régime.
Ce sont ces forces dont l'ouvrage de Jacques-Olivier Boudon dépeint l'origine, l'instauration, l'organisation, le recrutement et l'action pendant toute la période du Consulat et de l'Empire. A coté de la Police, civile, fut réorganisée la Gendarmerie, corps militaire créé en 1791 (10 000 hommes en 1798), chargé de quadriller le territoire, y compris, par la suite, les nouvelles provinces annexées de Belgique, Hollande, nord de l'Allemagne, Italie et Catalogne. En 1802, ces deux organismes, appelés à collaborer, furent rattachés au ministère de la Justice. Si la Police ne comptait qu'un nombre restreint de commissaires, et devait compter sur la Gendarmerie pour les opérations d'envergure. La douane (27 000 hommes en 1809), quant à elle, sécurisait les frontières, faisait appliquer les taxes à l'importation et luttait contre une armée de quelque 100 000 contrebandiers...
L'ouvrage nous fait découvrir la lutte contre le brigandage, l'action d'un Vidocq contre ses anciens compères du bagne, l'agitation républicaine dans le sein de l'armée, la répression religieuse, la garde des prisonniers de guerre, les deux conspirations du général Malet, le complot de Pichegru et de Moreau, les tentatives d'encadrement de la prostitution, la police aux armées (lutte contre les pillards, réunion des traînards, escorte de prisonniers, ...), la surveillance des Jacobins, ...
En 1813, moment où l'empire français, proche de sa fin, atteignait sa plus grande étendue, la Gendarmerie comptait plus de 30 000 hommes. Ces effectifs assistèrent à l'effondrement militaire de l'empire et durent affronter l'invasion, mais ils réussirent, jusqu'à la fin, à conserver presque intact la structure de l’État.
Bernard Antoine Rouffaer 31.5.2017
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Textes sur cette page, dans l'ordre:
Du MiG-29 et de la domination de l'espace aérien au-dessus du champ de bataille
Bernard Antoine Rouffaer
Voyage pour la mémoire…
François Meylan
De la Turquie, de la Syrie, des massacres et de l'Occident
Eric de Haynin
Les Kurdes dans la tourmente
Bernard Antoine Rouffaer
Violences musulmanes après la mort de Mahomet: petite bibliographie
Otilio Klass-Amann
Spratleys et Paracels, ambitions et propagande chinoise
Bernard Antoine Rouffaer
Arabie Saoudite : aventurisme politique et énergétique
Bernard Antoine Rouffaer
Égypte, une nouvelle Syrie ?
Bernard Antoine Rouffaer
Syrie : confessions, pouvoir et populations
Bernard Antoine Rouffaer
Syrie : situation et perspectives
Bernard Antoine Rouffaer
Première en Europe : un bastion armé islamiste en
Bosnie ?
Otilio Klass-Amann
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Du MiG-29 et de la domination de l'espace aérien au-dessus du champ de bataille
Vano Mikoyan - neveu de Artem Mikoyan, le créateur du MiG-21 de l'aviation soviétique - est mort. Vano Mikoyan fut le superviseur du programme qui allait mener à la mise au point du chasseur MiG-29 (« Fulcrum » dans le code OTAN).
Il est, aujourd'hui, de bon ton de médire sur l'aéronautique russe, de lui nier la capacité de créer de nouveaux types d'avions capables de rivaliser avec les productions d'Europe de l'Ouest et des USA. A ce titre, je lis beaucoup de choses négatives sur le MIG-29, selon lesquels l'appareil ne pourrait rivaliser avec des intercepteurs comme le F-15 américain, ou l'Eurofighter européen. On admire son agilité et sa puissance, mais on souligne son absence d'arme à long rayon d'action, et ses déficiences en électronique. On met en avant son faible score, en Irak, en Serbie, face à des appareils occidentaux. Mais ce que je lis ne me semble pas correspondre à la doctrine d’emploi de cet appareil.
Le MiG-29 n’est pas un intercepteur, comme le F15, ou un avion multi-rôle, comme le Rafale français, mais un chasseur, destiné, à l'origine, à contribuer à la protection du corps de bataille terrestre soviétique.
Dans cet emploi, qui exige une grande capacité en combat rapproché tournoyant (« dogfight »), à basse et moyenne altitude, et un armement de courte portée efficace, le MiG-29 opérait en coordination avec tout l’arsenal de missiles antiaériens lourds soviétiques: SA-6/4/5, et leurs successeurs. (Pour les dénominations russes, respectivement : 2K12, 2K11, S-200). Le combat à longue distance, au-delà de 30 km, relevait de la responsabilité des SAM lourds, le MiG-29 n’intervenait que pour soutenir ces batteries, et l’ensemble du système de DCA de l’armée de terre (canons et missiles à courte portée sur véhicules blindés), en cas problèmes. Sa capacité de tir à longue distance était secondaire.
L'importance numérique du corps de bataille terrestre soviétique, avec des missiles antiaériens déployés à tous les niveaux, de la compagnie (SA-7), du bataillon (SA-9), du régiment (SA-8), de la division (SA-6), du corps d'armée (SA-4), permettait d'obtenir un effet de saturation de l'espace aérien au-dessus de champ de bataille. C'est ce que la Guerre du Kippour, en 1973 avait mis en évidence.
Le MiG-29 opérait donc, au-dessus du champ de bataille, aux côtés des Su-25 d’attaque au sol, des hélicoptères blindés Mi-24 et des Su-17 destinés à frapper les arrières de l'adversaire. Il est donc hors de propos de le placer en compétition avec des intercepteurs comme le F-15.
La tâche d'un intercepteur est d'opérer à haute et moyenne altitude pour frapper, à l'aide de gros missiles à longue portée, des appareils ennemis, généralement de grande taille, menaçant le vaste territoire que l'intercepteur doit protéger. Les grands espaces (Arctique, Atlantique Nord, ...) confiés à sa garde expliquent l'importance de sa vitesse pour l'intercepteur, vitesse obtenue au détriment de sa maniabilité, et devant lui permettre de rejoindre sa proie avant qu'elle ne soit en mesure de lancer ses propres missiles de croisière, ordinairement armée de têtes nucléaires.
C’est donc avec le F-16, avion us de même catégorie que lui, ou le TORNADO européen, appareil multi-rôle, qu’il convient de le comparer. Abattre les F-15, opérant à haute altitude, aux alentours du champ de bataille terrestre, relevait de la responsabilité des opérateurs de SA-4 (portée 50km) et 5 (portée 300 km), des chasseurs lourds, comme le Su-27, ou des intercepteurs purs comme les MiG-25 et 31. L’ensemble du système formant un tout cohérent.
Un bon exemple de cette vulnérabilité fut offert par la passe d'arme israélo-syrienne au Sud-Liban, en 1982 : pour que les F-15 israéliens puissent entrer en action contre les MiG syriens, il fallut repérer l'emplacement des batteries de SA-6 à l'aide de drones, inciter ces batteries à actionner leurs radars en leur envoyant quatre appareils de reconnaissance RF-4, utiliser un gros Boeing RC-707 de guerre électronique pour identifier et brouiller les fréquences de ces radars, attaquer enfin ces antennes radars à l'aide de missiles spéciaux largués par des chasseurs-bombardiers F-4, puis faire bombarder les positions des SA-6 par l'artillerie lourde ou des escadrons de chasseurs-bombardiers Kfir. C'est seulement après la fin de cette complexe opération de repérage et de destruction que les intercepteurs F-15, encore aidés par un radar volant E-2C Hawkeye et le Boeing RC-707, purent commencer à s'en prendre aux MiG-21 et 23 syriens accourant à la rescousse de leurs missiliers. Sans elle, les F-15 eussent passé l'essentiel de leur temps de vol à tenter d'éviter les missiles sol-air syriens.
En Irak, en Serbie, le MiG-29 a été généralement employé comme intercepteur, au-dessus d'un territoire étendu et mal couvert par des systèmes antiaériens neutralisés ou insuffisants. Face à des F-15 équipés d'armes à long rayon d'action, soutenus par de puissants systèmes de brouillage, le MiG-29 était alors très défavorisé.
Pour évaluer la qualité d'un outil, il convient de le placer là où son concepteur l'avait prévu.
Bernard Antoine Rouffaer
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Voyage pour la mémoire…
C’est sous une pluie battante que je me suis rendu à Cracovie, en Pologne. Ce qui devait être une visite culturelle se transforma, non sans douleur, en un voyage pour la mémoire. Avec plus de 750'000 habitants, cette ville de lumières - Krakov en polonais - a pourtant de quoi enchanter tout visiteur. Sur le fleuve Vistule, son centre-ville d’exception, Podgórze, qui est plus grande zone piétonne d’Europe, est inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO. Cracovie c’est également la cité du défunt pape Jean-Paul II. De son nom de baptême Karol Józef Wojtyla. Né à proximité de Cracovie, il en fut l’archevêque. Avant de devenir le pape que l’on sait, lors du conclave d’octobre 1978. Sur place, on comprend mieux d’où vient sa célèbre adjonction « N’ayez pas peur ! »
La population polonaise a payé un lourd tribut non seulement à la seconde guerre mondiale mais aussi au communisme. Dans un premier temps, partagée entre Hitler et Staline, les Polonais ont eu à subir les pires exactions. Les trop nombreux actes de barbarie – tortures, exécutions sommaires, viols etc. - qui ont alors frappé la Voïvodie (région) de Petite-Polgne ne se confinèrent malheureusement pas au tristement célèbre ghetto juif de Cracovie. Ghetto agistralement scénarisé par le réalisateur Steven Spielberg avec le film « La liste de Schindler ».
Le comble de l’horreur se trouve à une heure et demie de bus de là. Ou à deux heures de train, c’est selon. Les camps de la mort « Auschwitz I » et deux kilomètres plus loin « Auschwitz Birkenau », appelé également « Auschwitz II » nous attendent pour une communion avec le diable. Une véritable remise en question de la nature humaine. Comme si l’humanité s’était arrêtée là. Pourtant rien ne prédestinait la petite ville d’Ocwiecim à devenir le témoin intemporel du Mal. Ces assassins – il n’y a pas d’autre terme – allaient remployer une caserne désaffectée de l’armée polonaise pour y faire les pires expérimentations morbides sur le genre humain. Ils y ont commencé par gazer mortellement des centaines de prisonniers de guerres polonais et soviétiques à l’aide des gaz d’échappement d’un char d’assaut russe saisi. Avant de trouver une utilité toute industrielle au pesticide Zyklon B. Enrichissant macabrement le consortium allemand « IG Farben ». Celui-ci composé des sociétés chimiques - toujours cotées en bourse aujourd’hui - BASF, Bayer et Agfa.
La majorité des historiens s'accordent sur des chiffres effroyables.
Entre 1940 et 1945, les nazis ont déporté à Auschwitz plus de 1’100 000 Juifs, 150 000 Polonais, 23000 Tziganes, 15000 prisonniers de guerre russes et 25000 ressortissants d'autres nations, pour un total de 28 nationalités différentes.
Tout le site, musée nationale polonais depuis 1947 et inscrit par l’UNESCO au patrimoine universel, constitue le plus grand cimetière de l’humanité avec plus d’un million et demi d’âmes, sans même une seule sépulture.
Assurément, la génération de nos grands-parents qui a vécu ce cataclysme d’inhumanité nous a transmis l’émotion et la douleur. Nous traînons un lourd héritage dans nos gênes. Ce que l’on fait de nos actes tout comme ce qu’on laisse faire résonne pour l’éternité. Aussi il est utile de visiter ce lieu de l’Holocauste. Non seulement pour y rendre hommage à toutes ces victimes – des gens comme vous et moi – qui ont été martyrisées sur l’autel d’une bestiale criminalité - et parce que la vie n’est pas une loterie. Les enseignements sont aussi nombreux. Hitler n’était pas seul ! Il bénéficiait de l’appui d’une meute de tueurs, de financiers, d’industriels et de la complicité de tous ceux qui ont laissé faire. C’est arrivé il y a septante ans. Cela se reproduit aujourd’hui de l’autre côté de la Méditerranée. Ne minimisons jamais la puissance, à terme, des courants politiques surfant sur l’intolérance et la peur. Hitler est arrivé au pouvoir démocratiquement. Qu’on se le dise. Et quoi que nous fassions nous seront jugés par l’histoire. Alors investissons dans la seule intelligence qui vaille… celle du cœur !
François Meylan
Cracovie, 19 octobre 2016
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De la Turquie, de la Syrie, des massacres et de l'Occident
L'armée turque vient de pénétrer en Syrie. Avec chars, infanterie, artillerie, commandos ; la chose a tout d'un début d'invasion. Malgré le chaos qui y règne, la Syrie demeure le territoire d'un État souverain, quoique contesté. On attribue à la Turquie la volonté de chasser l'État Islamique de sa frontière sud. Ankara proclame qu'elle s'en prendra aussi aux militants kurdes, jusqu'à présent meilleurs combattants de terrain contre l'EI.
Les partisans les plus enthousiastes du régime d'Erdogan affirment que cette pénétration en territoire étranger prendra bientôt la forme d'une offensive dirigée vers Alep, et qu'elle est destinée à réunir les forces des miliciens sunnites opposés au régime de Damas. C'est ambitieux, mais c'est risqué.
Pour arriver à un tel résultat, il faudra à l'armée turque déployer de puissants effectifs sur le terrain, en Syrie. Donc les exposer aux coups de tous ceux qui en veulent à la Turquie. Tant que l'armée d'Ankara demeurait de son côté de la frontière, la présence kurde, en face de ses positions, ne représentait qu'une menace potentielle. Désormais, cette menace militaire est réelle. Pour avancer vers Alep, et rassembler divers groupes d'opposition syriens, la Turquie va devoir s'engager encore, et encore. Et donc subir des pertes, encore et encore. Ankara, dans sa lutte contre l'Iran chiite et la Russie, commet la même erreur que les USA au Vietnam: agir directement contre des adversaires qui ne sont que des auxiliaires de ses ennemis principaux. User son principal contre des auxiliaires.
Tout cela n'arrangera pas les affaires des civils syriens. Opprimés par un régime brutal, débordés par les groupes extrémistes qui prolifèrent sur le corps à demi effondré de lÉtat syrien, ils vont devoir souffrir de nouvelles violences.
Cest une honte que des populations civiles de la région, comme ailleurs dans le monde, se fassent menacer, dépouiller, expulser et massacrer, toutes communautés confondues. Mais il y a un lien ancien et très solide qui unit l'Europe, et l'Occident tout entier, à une fraction de ces populations syriennes. Une part majeure du mode de vie occidental sest élaborée pendant la période de rayonnement du christianisme en Occident. Et cette période de rayonnement est lui-même né du rayonnement culturel et religieux de la civilisation chrétienne du bassin oriental de la Méditerranée, elle-même héritière de la civilisation antique de cette région. En laissant périr les populations chrétiennes du Proche-Orient, il est nécessaire de dire que lOccident méprise et laisse anéantir une grande part de ses racines culturelles, symboliques et sentimentales. Laisseriez-vous mourir votre père sous le couteau dassassins sans lever le petit doigt? Si oui, je vous dirais que vous présentez des signes de dégénérescence morale et psychique. L'Occident le fait, je dirais donc qu'elle présente, en tant que civilisation, des signes évidents de décadence et daffaiblissement. J'ajouterai que les populations chrétiennes, juives, yézidies, zoroastriennes de la région sont le conservatoire d'une part notable de ce qui reste des antiques formes de la civilisation antique. Avec leur anéantissement, c'est l'humanité tout entière qui s'appauvrit.
Bernard Antoine Rouffaer 30.8.2016
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Les Kurdes dans la tourmente
J'entends, ici et là, formuler des inquiétudes au sujet de l'avenir des Kurdes de Syrie et d'Irak. Le cessez-le-feu en Syrie, l'affaiblissement progressif de l’État islamique supprimerait progressivement l'avantage que trouvent les Grandes Puissances à soutenir le mouvement émancipateur et combattant des Kurdes. Je ne serai pas aussi pessimiste.
Le Kurdistan unifié et indépendant n'est pas pour tout de suite, mais ses éléments constitutifs se mettent en place. Les Kurdes, du côté arabe (Syrie, Irak), ont conquis une indépendance de fait. Mais éloigné de la mer, isolé dans l'intérieur des terres par une éventuelle coalition de puissances régionales adverses, celles-là même qui ont contribué à leur soumission, ce début d’État indépendant kurde pourrait connaître bien des difficultés. Peut-être, mais... L'Irak, en tant qu’État unifié, arrogant et impérialiste, a cessé d'exister. La Syrie, comme base du nationalisme arabe, sourcilleux quant à ses frontières, a suivit, pour son malheur, le même chemin.
L'Iran, qui peut voir dans ce nouvel élément politique un allié possible (comme l'Arménie), pourrait se montrer accommodant. La Turquie restera un ennemi implacable. Mais comme Ankara ne renoncera pas de sitôt à ses alliances sunnites et fondamentalistes, elle continuera à affronter chiites et autres minoritaires du Croissant Fertile. Donc les Russes. Pour les Kurdes, Moscou, donc, contrebalancera Ankara.
Même en cas de cessation de la guerre civile en Syrie, le pays restera vraisemblablement morcelé et instable. Il n'y aura donc pas d'autorité centrale susceptible d'écraser le désir d'autonomie des populations kurdes.
Mais éloignons-nous un peu de la Syrie, et contemplons la scène d'un peu plus haut. Nous verrons alors apparaître dans notre champ de vision Israël, l’Égypte, l'Arabie Saoudite...
D'une certaine manière, les Kurdes, d'un point de vue occidental, pourraient partiellement remplacer Israël. Ils sont fiables, ont des objectifs clairs, sont combatifs, modernistes. Et ils opèrent au coeur de la crise. Comme l’État d'Israël dans les années 50, à une époque ou Tel Aviv affaiblissait efficacement, au profit de l'OTAN, les régimes nationalistes et socialistes arabes qui dominaient en Égypte, Syrie et en Irak. Mais, depuis, les choses ont changé. On a pu constater que l’État juif ne joue plus guère qu'un rôle égoïste dans la zone, se contentant de détruire ou affaiblir les entités étatiques voisines, sans favoriser l'émergence, nul part, de régimes arabes viables et utiles. Ce qui ne va pas nécessairement dans le sens des intérêts occidentaux, pour qui le chaos est générateur d'instabilité, de réfugiés et de terrorisme. Il y a donc là une carte stratégique à jouer pour la nation kurde.
Bernard Antoine Rouffaer 24.4.2016
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Violences musulmanes après la mort de Mahomet: petite bibliographie
A l'heure où je termine les notes et la bibliographie d'un ouvrage consacré aux sources de la violence en islam, je ne résiste pas au plaisir de faire le commentaire de quelques livres indiqués comme donnant une certaine extension à cette question. Car les actes de violence -meurtres, assassinats, lapidation, amputations, réductions en esclavage, guerre ouverte – ordonnés par le Prophète – Muhammad/Mohammed/Mahomet -, pendant son règne médinois, ont eu des suites. Et pas seulement les récents attentats de Paris et Bruxelles.
Ses quatre successeurs ont puisés dans ce riche fond d'exemples -comme prophète, Mahomet est un homme dont chaque acte fonde la morale islamique et doit être pris en exemple par les fidèles – pour engager, et réussir, la conquête de tout le Proche-Orient, puis de l'Afrique du Nord.
Les exemples mohammediens – pillages de biens tribaux ou assassinat de poète - ont donc générés une masse colossale de violences de toutes natures. De grandes cités (Carthage, Ctésiphon) vont disparaître - par la fuite de leurs habitants et le pillage - des élites cultivées vont émigrer (Syrie, Égypte), des bibliothèques vont brûler, des édifices cultuels multiséculaires vont tomber en ruine, des centaines de milliers de sujets iraniens et de citoyens romains vont peupler les marchés aux esclaves, parce que Mahomet, prophète de l'islam, aura, un jour, donné un exemple douteux.
Otilio Klass-Amann
Mayerson Philip, « The First Muslim Attack on Southern Palestine (A.D. 633-634) », Transaction and Proceedings of the American Philological Association n°95, Middletown, 1964
Le début :la première incursion arabo-islamique dans les provinces syriennes de l'empire romano-byzantin. Suivront la bataille décisive du Yarmouk, le pillage de toutes les campagnes de Syrie-Palestine, les sièges, puis les chutes, de Damas et Jérusalem...
McGraw Donner Fred, The Early Islamic Conquests , Princeton University Press, Princeton, 1981
Avec Donner, s'est toute la supériorité de la recherche historique militaire anglophone qui s'exprime. Loin de la pusillanimité des chercheurs français, quasi mandarinale, Donner livre une analyse précise, détaillée des forces en jeu et redonne à ce conflit, l'un des plus important de toute l'histoire de l'humanité, ses dimensions réelles, humaines, loin des fantasmagories superstitieuses des chroniques arabes.
Tabari, Les quatre premiers califes, trad. Zotenberg Hermann, Sindbad, Paris, 1984
Incontournable. Le récit des désignations douloureuses, des conquêtes, des luttes d'influence et des fins brutales des quatre successeurs du Prophète. A eux cinq, ils forment le monde politique idéal auquel nos salafistes modernes rêvent chaque jour.
Canard Marius, L'expansion arabo-islamique et ses répercussions , Variorum Reprints, 1974
Un classique. (Variorum Reprints, c'est tout dire...)
Kaegi Walter E., Byzantium and the early islamic conquests, Cambridge University Press, New York/Cambridge, 1995
Une analyse pointue de l'agression arabo-islamique sur l'espace byzantin. Kaegi fait remarquer le système de défense en profondeur organisés par l'armée byzantine face à la menace nomade, les séquelles de la longue guerre irano-byzantine – terminée en 629 -, ou les avantages tirés par Constantinople de la trêve de Chalkis. Il rappelle la retraite en Anatolie byzantine du roi – arabe – des Ghassanides, suivit de 30 000 fidèles, refusant la nouvelle domination des Arabes du Hedjaz. Il expose aussi la problématique arménienne, source de recrues pour l'armée byzantine. Incontournable.
Djaït Hichem, La grande discorde : religion et politique dans l'islam des origines, Gallimard, Paris, 1989
Djaït nous conte les origines politiques de la grande scission, finalement religieuse, entre sunnites et chiites. Les ambitions, longtemps déçues, d'Ali, sa rivalité avec les Qoreichites, le rigorisme des Kharidjites, le rôle des grands camps, remplis de Bédouins armés, qui contrôlent, pour le nouveau pouvoir arabo-musulman, la grande et (alors) fertile plaine d'Irak, les grandes ressources tirées de la province d’Égypte, les longs et durs efforts consentit pour soumettre les provinces iraniennes rétives, les voies du désert, qui remplacent celles de la mer...
Butler Alfred J., The Arab conquest of Egypt and the last thirty years of the roman dominion , Clarendon Press, Oxford, 1978
La chute de l’Égypte aux mains des Arabo-musulmans. Les conflits entre monophysites et chalcédoniens, Alexandrie de marbre et les opulentes campagnes, les bataille autour de Babylone d’Égypte...
Otilio Klass-Amann 22.3.2016
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Spratleys et Paracels, ambitions et propagande chinoise
On connaît les revendications de l’État chinois sur les deux archipels des Spratleys et des Paracels, en mer de Chine méridionale. Cette augmentation des eaux territoriales chinoises se ferait aux dépens des eaux internationales, ainsi que des eaux territoriales du Viêtnam, du Brunei, des Philippines et de la Malaisie.
Une certaine propagande chinoise, cherchant à être menaçante, met un certain nombre d'éléments en avant, vraisemblablement dans le but de décourager, par avance, toute résistance.
La Chine met au point un missile anti-navire de grande portée, à guidage satellite, destiné spécifiquement à la destruction des porte-avions américains. L'existence de cet engin est censée démontrer l'inutilité de ces grands bâtiments. Pourtant, la menace des missiles anti-navires de grande taille et portée, dirigée contre les groupes de porte-avions, existe depuis les années 60, avec l'apparition des systèmes aérotransportés soviétiques, tel que le K-10s « Kipper ». Ce premier engin ayant connu plusieurs successeurs, tous plus dangereux les uns que les autres, les amiraux us savent donc à quoi s’attendre… En outre, en cas de conflit autour des Paracels et Spratleys, l’abondance de terre ferme permet d’installer des bases aéronautiques terrestres, difficiles à détruire. Et si les USA se révèlent plutôt médiocres dans leurs guerres terrestres, la mer est leur univers de prédilection. Vouloir les y provoquer c’est chatouiller leur orgueil. On se repend souvent d’avoir osé tirer les moustaches du tigre jusque dans sa tanière…
Un autre argument, avancé par les propagandistes chinois, est la possession, par la Banque de Chine, d'une importante quantité de bons du Trésor américains. La Chine est donc créancière des USA. Pourtant, force est d'admettre qu'en cas de conflit armé entre deux puissances, mieux vaut être débiteur net que créancier net. Étudiez l’histoire économique de la Première Guerre mondiale, vous y trouverez bon nombre d’exemples de confiscations de biens d’États ennemis… C'est vraisemblablement ce qui arrivera aux biens de l’État chinois. (Il est toujours agréable de ne pas avoir à rembourser ses dettes.)
« L’impérialisme occidental n’a toujours pas évolué depuis 200 ans (guerres de l’opium etc.) » entend-on. La culpabilisation est une arme très utilisée depuis 50 ans. Elle l'est ici aussi. Car l'impérialisme de l’empire de Chine, non plus, n'a guère évolué… La République populaire est un des derniers empires ici-bas, maintenant sous son joug des territoires peuplés de non-Han, comme le Turkestan oriental ou le Tibet. Et non-contente d’opprimer des populations non-chinoises, de les priver lentement de leur culture originelle, de les réduire au rang d’éléments de décors, elle nourrit maintenant des rêves d’expansion territoriale et maritime aux dépens d’États indépendants ou d’espaces marins bien éloignés de ses côtes. Rien de nouveau depuis les Tang et les Ming…
L'impérialisme chinois a ceci de différent de celui de la République française, par exemple, qu'il use d'armes différentes.
Contrairement à la France, qui procède par assimilation culturelle (remplacement de la langue locale – basque, breton, alsacien - par le français), la Chine procède par submersion démographique. Le pouvoir chinois ordonne des déplacements massifs de populations Han vers les terres à siniser. Une grande part de l’intérieur de l’actuelle République populaire a été sinisée de cette manière au cours des siècles. Il importe donc peu que les tribus non-Han conservent leurs langues: elles sont désormais minoritaires sur leur terre ancestrale, et vouées à la vassalité. Et c’est précisément ce dernier reste de leur culture ancestrale qui rend leur actuel état de soumission plus pénible.
Bernard Antoine Rouffaer 27.2.2016
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Arabie Saoudite : aventurisme politique et énergétique
Nous nous éloignons de plus en plus de l'ancienne image donnée par l'Arabie Saoudite, soit celle d'un pays arriéré, faiblement peuplé, aux élites follement riches, sans vie politique interne moderne, soumis aux intérêts des USA.
Il y a désormais quatre données essentielles concernant l'Arabie Saoudite : sa population, son salafisme, sa politique pétrolière et sa fortune.
Sa population a fortement augmenté et est très jeune, donc demandeuse d'emploi. Les habitants du royaume étaient au nombre de 5 millions en 1960, ils sont désormais quelque 28 millions. Et il ne s'agit plus de bédouins frugaux et coupés du monde, les jeunes saoudiens ont désormais des attentes et des besoins que seul le marché mondial peut satisfaire.
Son ancienne politique de propagation du wahhabisme...porte désormais ses fruits : le salafisme, spécialement le salafisme armé, est en progrès partout dans le monde. Tous les grands États sont désormais contraints de prendre des mesures de sûreté coûteuses contre les groupes se réclamant de cette tendance. Ceci place Riyad, épicentre idéologique et financier du phénomène, dans l'embarras.
Les USA produisent désormais d'avantage de pétrole, conventionnel et de pétrole de schiste, que l'Arabie Saoudite (selon BP et l'EIA). La politique visant à donner aux USA une autonomie dans le domaine de l'approvisionnement pétrolier est parvenue, 40 ans après le premier choc organisé par les membres arabes de l'OPEP, à ses fins. Les USA n'ont donc plus immédiatement besoin de Riyad et ont moins envie de consacrer hommes, argent et crédit politique à sa défense.
Les réserves financières de Riyad sont en voie d'érosion : les 700 milliards de $ accumulés en investissements divers, en partie vendus actuellement pour compenser la baisse des rentrées dues au pétrole, ne permettront pas au royaume arabique de durer plus de cinq ans. Or on ne respecte les Saoudiens que parce qu'ils ont de l'argent...
Pire. L'actuelle politique de l'Arabie Saoudite, visant à inonder de brut le marché pétrolier, fait chuter les prix du baril, menaçant de faillite les producteurs de pétrole nord-américains. L'entreprise, voulue et menée à bien par les administrations Nixon, Ford, Carter, Bush et Clinton est menacée par l'un des alliés des États-Unis. Le monde du pétrole est un monde rude. Des espérances de guerre, dans le golfe persique, se font désormais entendre aux Amériques...
Destinée à frapper le talon d'Achille économique de ces rivaux de Riyad que sont la Russie et l'Iran, cette manoeuvre d'encombrement des marchés pétroliers suscite, envers le royaume, des hostilités encore plus puissantes qu'auparavant. Le spectaculaire tir de missiles SS-N-30, lancés en octobre 2015 depuis des bâtiments de la flotte russe de la Caspienne, et destiné à atteindre des cibles en Syrie après un survol de l'Iran, avait un second objectif : montrer aux émirats du Golfe persique, et au royaume des Saoud, qu'ils étaient à bonne portée des armes conventionnelles russes, sans même qu'une flotte de ce pavillon ne doive croiser dans le golfe d'Oman, chasse-gardée américaine.
L'accord conclut en 1945 entre le président américain Roosevelt et le roi d'Arabie Saoudite survivra-t-il longtemps à ces tensions ? Quels risques les USA sont-ils déterminés à courir, et quels sacrifices économiques sont-ils déterminés à faire, pour protéger la famille Saoud ?
Bernard Antoine Rouffaer 27.1.2016
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Égypte, une nouvelle Syrie ?
La Syrie comptait 22 millions d'habitants. Sur ces 22 millions de personnes, la guerre civile en a poussé la moitié à quitter ses foyers pour sauver son existence. 4 à 5 millions d'entre eux ont même quitté le pays pour trouver un asile provisoire en Jordanie en Turquie, en Égypte, au Liban ou en Irak. Et, désormais, en Europe. Face à ce qui lui semble être un flux énorme, incontrôlable, hors de proportion l'UE et ses 500 millions d'habitants gémit sous le poids de ce fardeau, et sous celui de sa peur.
Un avion civil russe s'est écrasé dans le Sinaï égyptien. 224 personnes ont perdu la vie. L’État islamique clame son succès. Le monde touristique égyptien, mal remis encore de la crise politique qui a frappé l’Égypte à l'occasion des « printemps arabes » tremble à l'idée de voir les visiteurs étrangers fuir le pays.
Qu'est-ce que le tourisme en Égypte ? 4 millions d'emplois, la deuxième source de devises étrangères du pays, un secteur moteur de l'économie égyptienne. L'origine d'une modernité sociale, culturelle et technique. Aussi.
L’Égypte compte désormais 89 millions d'habitants, C'est pratiquement quatre fois la population de la Syrie. Son régime politique actuel est revenu à son point d'équilibre : un régime fort, médiocrement démocratique, paternaliste, fondamentalement militaire. Le pouvoir, en Égypte, est, depuis 1250 et le renversement de la dynastie ayyoubide par les esclaves-soldats du calife, les mamelouks, un régime militaire. Mamelouks, khédives, nassériens, aujourd'hui hommes du général al-Sissi, la pesanteur historique, les traditions politiques, ont prévalu.
Les forces qui s'attaquent à la stabilité politique de l’Égypte, ce poids lourd du monde arabe, infiniment plus important que les monarchies pétrolières du Golfe persique, vides de populations et de talents, sont les mêmes qui ont contribué à l'effondrement syrien. Ce sont les mêmes salafistes sunnites qui rêvent de révolutionner le monde musulman selon les canons de leurs lois anachroniques. Et ils utilisent en Égypte les mêmes méthodes qu'en Syrie : noyautage des institutions, aide intéressée aux démunis, assassinats ciblés, propagande, promesses, endoctrinement de la jeunesse, exploitation de la misère et de l'inculture, terrorisme, constitution de groupes armés.
La stabilité d'un système politique repose sur sa capacité à nourrir la population qui en dépend. Si, suite aux attentats dirigés contre les voyageurs étrangers en Égypte, le gouvernement militaire ne parvenait pas à enrayer la spirale du déclin économique, de l'effondrement du secteur touristique, l'équilibre social et politique de l’Égypte serait menacé.
L'équilibre d'une nation de plus de 80 millions d'individus.
Si la crise politique devait déboucher, en Egypte, sur une crise du type de celle qui frappe la Syrie, ce ne serait pas 4 ou 5 millions de réfugiés qui déferleraient sur l'Europe, mais 15 millions.
Méditez sur ce chiffre, et tentez donc d'évaluer les conséquences.
Bernard Antoine Rouffaer 9.11.2015
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Syrie : confessions, pouvoir et populations
La crise syrienne trouve sa source dans la rivalité confessionnelle qui forme le soubassement de toute politique intérieure au Liban et en Syrie. Cette manière si particulière de classer les populations a pris naissance , dans cette partie du monde, au cours du VIe siècle après JC. Quand, dans le sein de l'empire romain d'Orient (empire byzantin), dans une population ayant obtenu la citoyenneté romaine, la différenciation la plus forte est devenue l'appartenance religieuse : samaritains contre juifs, chrétiens chalcédoniens contre chrétiens ariens, puis monophysites, chrétiens contre païens, vieux chrétien et juifs contre nouveaux chrétiens et païens, ...
L'arrivée de l'islam y a ajouté ses propres distinctions internes : sunnites, chiites, kharidjites, ... Cet état de fait a pris sa forme actuelle aux alentours de l'an mille, quand la secte des druzes est venue s'ajouter aux confessions dominantes ou dominées du pays : chrétiens de diverses obédiences, juifs, musulmans sunnites, musulmans chiites, alaouites.
Les dominants, et ex-dominants, vivants les villes, les dominés à la campagne, les très dominés dans les montagnes pauvres et difficiles d'accès, la Syrie a pris l'aspect humain qu'on lui connaît.
Habitant les villes et les zones agricoles, les arabes sunnites ont coutume de former la classe dominante en Syrie. Les alaouites, les (autres) chiites et les druzes, montagnards et agriculteurs, mal vus des sunnites, vivent en marge. Les chrétiens, surtout urbains, dominés depuis la conquête musulmane du pays, au 7e siècle, côtoient les sunnites dans et aux alentours des villes.
Au moment de la chute de l'empire ottoman, puissance sunnite, en 1918, la Syrie et le Liban ont été placés sous mandat français par la société des Nations. La disparition de l'armée et de la gendarmerie ottomane rendit nécessaire la création de nouvelles forces de maintien de l'ordre. Pour ce faire, l'autorité mandataire française créa les « Forces spéciales du Levant ». Cette gendarmerie rurale, opérant aux côtés de l'armée française, a contribué à pacifier le pays dans les années 20. Se méfiant des arabes sunnites, soupçonnés de nostalgies ottomanes ou d'indépendantisme, la France recruta alors nombre de jeunes alaouites, auxquels elle donna l'occasion de faire carrière. De là date la prédominance des alaouites dans ce qui allait devenir le berceau des forces armées syriennes, après l'indépendance, acquise réellement en 1946. Ce pouvoir militaire alaouite atteignit son point culminant, en 1970, avec le coup d'état d'un général d'aviation baathiste, Hafez Al-Assad, le père de Bachar Al-Assad.
Bernard Antoine Rouffaer 22.10.2015
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Syrie : situation et perspectives
Les cartes de la Syrie souvent montrées, indiquant qu'une large part du territoire est tombé aux mains du groupe État Islamique sont trompeuses. La Syrie utile – celle qui inclut les régions habitées, les grandes villes, les industries, les zones agricoles – se compose de deux zones relativement restreintes: l’axe Damas Homs, Hama, Alep à l’ouest, les cours de l’Euphrate (avec Deir ez Zohr et Raqqa). Tout le reste est de valeur économique moindre (le djebel druze, la montagne alaouite, la côte) ou nulle (le désert de Syrie, autour de Palmyre). Tant que le régime baathiste (« Bachar ») tient l’essentiel de l’axe Damas-Alep, la côte, le djebel druze et la montagne alaouite, il tient une bonne partie du pays. Si les Occidentaux veulent intervenir de manière efficace dans la guerre civile, ils peuvent occuper Palmyre et en faire une base de raids terrestres contre les bases de l’EI sises le long de l’Euphrate. C’est-à-dire retourner contre l’EI ses propres méthodes de combat. Vu qu’aucune armée occidentale ne pourra occuper et pacifier le pays (les Syriens sont très fiers et nationalistes), c’est le mieux qu’ils peuvent faire.
On entend souvent dire que « le Kremlin soutient Bachar en-Assad. » Je ne suis pas sûr que le Kremlin soit aussi "pro-Bachar" que cela... Les Russes soutiennent le complexe de pouvoir formé par les militaires nationalistes-baathistes-alaouites-minoritaires-modernistes (et leurs alliés). Ce complexe de pouvoir à été leur allié, et un allié solide, pendant 50 ans. C'est ce complexe de pouvoir, qui compte des dizaines de milliers de familles, qu'aident les Russes, pas la personne de Bachar Al-Assad, fils de Hafez Al-Assad, pour elle-même.
La sortie de crise idéale, pour les Occidentaux serait celle où les deux principaux protagonistes du conflit disparaîtraient de la scène politique : les islamistes, le régime baathisto-alaouite. Il y a peu de chance qu'un tel cas de figure se produise. Les forces politiques armées susceptible d'évincer ces deux mastodontes n'existent pas en Syrie. Les minoritaires - chrétiens, alaouites, ismaéliens, druzes - n'accordent aucune confiance aux puissances occidentales. Ils savent qu'elles ne bougeront pas le petit doigt afin d'assurer leur protection. Ils connaissent leur lassitude des engagements armés au Proche-Orient (USA), qu'elles ne comprennent rien au jeu politique local (Allemagne), qu'elles n'ont pas d'intérêt directe à défendre (Grande-Bretagne) ou qu'elles n'ont aucune troupe disponible pour des opérations en Syrie (France). Comme l'Occident ne rétablira aucun mandat sur le pays, une issue politique devra s'accommoder de ce qui reste de fréquentable dans le spectre politique local. Trouver un nouvel homme à placer à la tête de ce qui reste de l’État syrien, un individu capable de réconcilier le pays, demeure la moins mauvaise des solutions.
Bernard Antoine Rouffaer 26.9.2015
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Première en Europe : un bastion armé islamiste en
Bosnie ?
Commentaire en réaction à l'annonce de la découverte d'un camp d'entraînement de l’état Islamique dans les montagnes de Bosnie, en zone musulmane, à l'affirmation que l'islamisme fait partie intégrante de la religion musulmane et à l'accusation portée contre les politiciens européens d'être « inconscients ».
« Un « bastion » de l’État islamique découvert en Bosnie-Herzégovine » Laurent Lagneau
http://www.opex360.com/2015/07/20/bastion-de-letat-islamique-decouvert-en-bosnie-heregovine/comment-page-1/#comment-31764
Commentaire :
Je suis d'accord avec l'idée que cette forme d'extrémisme religieux, ou politico-religieux, a toujours existé dans le sien des populations musulmanes. On retrouve cet acharnement contre la statuaire, ou l'art impie, à toutes les époques de l'islam, pratiquement dans toute son aire d'expansion, de La Mecque aux Indes et en Afrique du Nord. De même pour les actes de violence contre les communautés non-musulmanes soumises. De même pour le jihad armé contre les peuples ou États non-musulmans. Les exemples sont, dans ce dernier cas, si nombreux, qu'ils sont presque impossibles à dénombrer. Ce n'est pas l'attitude de tous les musulmans, tout le temps, c'est, par contre, celle d'une minorité agissante, perpétuellement renouvelée à travers les siècles. Or cette minorité active a toujours cherché à se saisir du pouvoir, et y a souvent réussi. Elle bénéficie de l'avantage d'être plus proche du message primitif du Prophète, ce qui l'avantage politiquement. Ce que je nommerais : le principe « du plus musulman ».
Ce n'est pas que les politiciens européens soient complices de l'aventure sanglante de l’état Islamique, ils sont seulement dépassés par l'ampleur d'un problème auquel rien ne les a préparés. Pour être à même d'avoir une politique pertinente vis-à-vis du monde islamique, il faut, ou avoir été formé dans le sien d'une université, ou avoir une connaissance précise de ce monde, fruit d'un intérêt personnel réel et honnête. On ne trouvera rien de cela dans le personnel politique européen. Un homme attiré par la politique des partis n'est pas nécessairement un grand voyageur, un homme de culture, un découvreur. Il n'est pas nécessairement, non plus, attiré par l'étude des diverses philosophies religieuses. Quant au système universitaire occidental, il n'a jamais accordé une grande place à l'étude de l'islam, dans tous ses aspects. L'expansion coloniale a donné naissance à une branche particulière des études universitaires. Elle servait à instruire les administrateurs et les militaires envoyés dans les territoires dominés, peuplés de musulmans. La fin de cette période historique lui a enlevé une grande partie de son importance. Elle n'a donc laissé que de faibles marques sur les étudiants qui forment aujourd'hui notre classe politique contemporaine, contrairement à des courants de pensée comme le libéralisme ou le marxisme, ou encore des études techniques portant sur l'administration ou l'économie pure. Tous absolument inutiles à la compréhension du phénomène islamiste.
Otilio Klass-Amann 26.7.2015
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« L'Occident "pas étranger" à l'expansion de l'EI, accuse le cheikh d'al-Azhar »
Interview L'Orient-Le Jour /AFP 16.6.2015
Ahmed al-Tayeb est le cheikh d'al-Azhar, la plus prestigieuse université islamique du monde musulman sunnite. Ses propos ont un poids certain sur la scène politique, intellectuelle et religieuse du monde arabe en particulier et du monde musulman en général. Comme ceux de tous ses prédécesseurs depuis des siècles. Le point de vue du cheikh est que la création d'une structure proto-étatique, telle que l’État Islamique en Syrie et en Irak, n'a pu qu'être le produit d'un effort organisationnel, politique, financier, bureaucratique, de grande envergure. Que, donc, seul un État puissant a pu être à l'origine de cette création. Et son regard se tourne vers l'Occident, et plus spécialement vers les USA.
"L'EI "s'est développé trop vite, a-t-il [Ahmed al-Tayeb] poursuivi. Ce développement requiert des capitaux énormes. D'où viennent ces sommes d'argent?" dit le cheikh. Je pense qu'il se trompe. Qu'il pense comme le membre de la classe sociale à laquelle il appartient, celle des bureaucrates, excroissance de l’État égyptien. État égyptien, sous diverses formes, multimilénnaire, faut-il le rappeler. Je pense qu'un homme d'autorité et d'administration ne peut pas comprendre les mécanismes primitifs efficaces de l'appropriation du pouvoir dans les zones de non-droit. A mon avis, le seul investissement de base nécessaire a été trois douzaines de kalachnikovs. Qui ont servi à prendre un dépôt d'armes de l'armée syrienne, ceci dans le cadre de la rébellion populaire contre le régime baathiste. Ce sont les armes qui coûtent cher. Ce ne sont pas les pains pitas, le thé et le fromage de chèvre, utilisés pour nourrir les combattants, qui représentent un problème. Les véhicules sont confisqués aux ennemis politiques, aux "mécréants" ou aux administrations civiles. Une fois en possession d'un stock d'armes, on peut commencer à contrôler un territoire, lever des impôts et des taxes sur les civils, confisquer des bâtiments, attirer de nouveaux volontaires, puis prendre d'autres véhicules, et d'autres dépôts d'armes, prélever l'impôt sur d'autres commerçants, prendre des otages occidentaux et locaux, les rançonner, ...etc Comme n'importe quel groupe de guérilla. Ou n'importe quelle mafia...
« Si l'ordre mondial, autrement dit l'Amérique et le monde, avaient voulu aider la coopération arabe à démanteler l'EI et ses sœurs et ses filles, ils auraient pu le faire en un seul jour", a estimé le cheikh. "L'ordre mondial veut le chaos, il semble qu'il ait l'intention de fragmenter notre région, et l'EI est un instrument très efficace. »
L'Orient arabo-musulman n'a pas besoin de l'Occident pour être divisé et conflictuel. Depuis 1300 ans, la rivalité sunnite-chiite, depuis 1200 ans la tension entre pouvoirs arabe syrien et arabe irakien, depuis 1000 ans, la rivalité druse-sunnite, depuis 800 ans l'antagonisme entre pouvoir militaire et société civile musulmane (Mamelouks bahrites), depuis 200 ans l'antagonisme entre rénovateurs de l'islam et tenants de la Tradition (Tanzimat), depuis 200 ans aussi la concurrence entre wahhabites et sunnites non-wahhabites, depuis 100 ans, le conflit entre militaires baathistes ou nassériens et les tenants de l'islam traditionnel, divisent la région. Ce sont ces lignes de fractures, anciennes, qui sont à l'origine de la crise actuelle.
Bernard Antoine Rouffaer 16.6.2015
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Palmyre, Obama et Erostrate
J'ai visité Palmyre en 2002. J'en garde un souvenir lumineux. Comme un mirage antique dressé sur le brun chaud du désert et le bleu intense du ciel.
Un joyau, un témoignage émouvant du génie de nos ancêtres. Un cadeau irremplaçable.
Cette beauté est tombée entre les mains meurtrières et destructrices de l'Etat Islamique.
Ce qu'il y a de tragique dans le sort de Palmyre, c'est que cette cité, isolée en plein désert, était facile à protéger. Bien plus que les sites archéologiques situés le long de l'Euphrate. Si n'importe laquelle des grandes puissances l'avait voulu, la chose eut été faite.
On objectera qu'il est difficile de protéger un site si peu étendu.
Le cas de Palmyre est spécifique : il ne s'agit pas d'un musée au sein d'une grande ville, ou d'un monument urbain, il s'agit, ville moderne et site archéologique ensemble, d'un espace réduit - que j'ai parcouru à pied. A côté se trouve une oasis peu étendue. Le tout est perdu au sein du désert de Syrie, énorme étendue plate de poussière brune. Donc, militairement, le défendre, c'est chose facile. Ce n'est ni la jungle de Guadalcanal, ni celle d'Imphal, ce ne sont pas les vastes ruines de Stalingrad, ni la boue du delta du Mékong.
Les USA, la Russie, la Grande-Bretagne et la France entretiennent toutes de grandes unités aéroportées capables de sécuriser un espace aussi réduit que Palmyre. Et elles ont toutes les moyens de transport nécessaire. C'est donc la volonté politique qui manque. L'homme Puissant qui ne fait rien est toujours coupable.
Ceci posé, Obama est à la tête de la première puissance mondiale, qui roule des mécaniques en permanence, qui a foutu un merdier innommable en Irak, qui a soutenu l'Arabie Saoudite sans discernement, et qui a laissé se propager l'idéologie des Frères Musulmans, pendant des années, sans lever le petit doigt.
On peut donc faire semblant, ici et maintenant, de regarder ailleurs, mais je doute que les historiens futurs soient aussi complaisants pour les politiques qui n'auront rien fait. Dans la longue saga des études assyriennes, de l'histoire syrienne - qui inclut Palmyre - , il y aura un avant et un après les grandes destructions de L'EI. 1500 trous de fouilles illégaux sur le site de Mari? C'est pratiquement la fin de l'archéologie sur ce site. Donc, dans la narration des progrès des études historiques de cette région, il y aura un avant et un après l'intervention massive des USA dans la zone. Un avant et un après le je m'en-foutisme des Cameron, des Obama, des Merkel. Dans mille ans, on étudiera et on parlera de l'Assyrie. Et quand viendra le moment de s'interroger sur les causes de cette interruption des fouilles archéologiques, de ces destructions de statuaire, de ces pertes de données, on parlera aussi de ce je m'en-foutisme. Dans mille ans.
Il semble qu'en ce moment, le président Obama, de l'opinion de certains observateurs - et c'est bien normal - commence à réfléchir à la place qu'il va occuper dans l'Histoire. Qu'il se rassure : n'avoir rien fait pour sauver les grands sites mésopotamiens et assyriens, et laisser détruire Palmyre, lui garantit de figurer en bonne place dans les manuels, dans la même catégorie qu'Erostrate... Les gens qui aiment les belles ruines sont les mêmes que ceux qui écrivent sur l'Histoire. Son nom est d'ores et déjà immortel...
Bernard Antoine Rouffaer 27.5.2015
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Au final, les horreurs de l'EI. (ou ISIS) nous renvoient à nous-même et à nos propres valeurs.
Ils nous montrent ce qu'est l'horreur. Ils nous montrent sans faux semblants ce que la guerre fait, et surtout fait subir.
Leurs vidéos, bien réalisées au passage, avec mise en scènes, codes "couleurs" et autres montages, laissent penser que ceux qui les scénarisent savent ce qu'ils font.
Leur but est de choquer pour radicaliser, mais en soi ce qu'ils montrent ne choquera pas ceux qui ont connu et vu la guerre.
Car au risque de troubler certains d'entre vous, il n'y a pas beaucoup de différences, dans le fond et dans les faits, entre la bombe incendiaire ou phosphorée, faite pour continuer à brûler et ainsi laisser les victimes mourir lentement dans des souffrances ignobles, larguée par le pilote jordanien (ou pas) sur des cibles militaires (ou pas), et ce que lui ont fait subir, dans sa cage, les tortionnaires de l'EI. C'est d'ailleurs toute l'étonnante horreur de cette mise en scène basée sur un effet miroir hallucinant de second degré car...dans des bombardements avec des armes dites "modernes" beaucoup de blessures, et les morts qui en sont la conséquence, sont infligées, avant tout, par le feu.
Alors qu'est ce qui, au final, nous choque ?
Le coté prémédité ? ...Car une guerre planifiée , un raid aérien, n'est-il pas prémédité ?
Le coté inhumain ? ...Car choisir volontairement les bombes qui feront le plus de dégâts est-ce humain ? Les construire est-ce humain ? les vendre est-ce « humain » ?
Le coté inédit ? ....Les kurdes et les troupes turques par exemple se sont échangés des têtes de prisonniers pendant des décennies, mais la chose n'était pas filmée. ...La décapitation a toujours été utilisé partout et en tout temps pour choquer la population ou "crucifier" de peur ses adversaires....
Vous l'aurez compris la campagne médiatique de l'EI. - d'une horreur absolue - renvoie directement à nos propres contradictions.
En particulier elle réveille une opinion publique habituée à la guerre "propre". "Propre" car , heureusement pour elle, elle n'a jamais vu le résultat d'un bombardement aérien "chez elle".
Sans traiter ces contradictions, en proposant une vision différente, nouvelle, et, au final, en sortant du cercle du "c'est moi qui en ai tué le plus", l'EI. gagnera chaque jour de nouvelles recrues... Car nous ne pouvons pas expliquer pourquoi nous sommes choqués de pratiques que nous plébiscitons finalement nous même par nos aventures militaires diverses et variées.
5.1.2014 Pierre Jean Duvivier
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Europe : pogroms ou guerre idéologique ?
L'offensive jihadiste en France, qui gagne en puissance, semble vouloir prendre pour cible ce qui fait le fond de la religion civique de cette République : la culture. Depuis la déchristianisation des XVIIIe et XIXe siècles, depuis l'effondrement de l'utopie communiste, avec la montée des doutes vis à vis du libéralisme, la culture, et la liberté de pensée et d'expression qui lui est indispensable, est l'une des composantes essentielles de l'idéologie fondatrice des États européens contemporains.
L'épisode de la « minute de silence », demandée aux élèves des écoles françaises en guise d'hommage aux victimes des derniers attentats terroristes de Paris, a révélé l'ampleur de l'incompréhension vis à vis de la libre expression chez les enfants issus de parents musulmans. Cela révèle la taille du bassin de recrutement potentiel de l'islamisme radical dans le sein de la jeune génération née en France.
Le haut niveau de tension inter-communautaire perçu sur les réseaux sociaux, les nombreuses attaques de mosquées, la méfiance déclarée à l'encontre des individus de confession musulmane font craindre qu'une intensification des opérations jihadistes sur le sol français ne créent les conditions d'une guerre civile de basse intensité.
Les exemples des États-Unis, de la Chine, de la Russie, de l'Arabie Saoudite montrent qu'une politique sécuritaire, seule, ne peut empêcher complètement l'action de commandos jihadistes. Les populations européennes, démocrates et attachées à la libre expression, ne supporteront pas la chape de plomb d'une inquisition d’État, même au nom de la protection du plus grand nombre.
Ne serait-il pas temps de s'interroger sur la pertinence d'entamer une véritable guerre idéologique contre l'islamisme radical? Une guerre non pas dirigée contre le corps des individus, mais contre leur esprit, contre l'idéologie qui les anime? Toute idéologie, politique ou religieuse, est mortelle. L'Histoire nous en apporte mains exemples. Et tuer une idée vaut mieux que tuer des gens.
Bernard Antoine Rouffaer 14.1.2015
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Je vais me faire lyncher mais c'est ainsi, je dois aimer ça : Et non, il n'y pas de guerre.
Les Français sont parfois des exaltés et de grands romantiques de l'horreur.
Pour avoir une guerre il faudrait un ennemi identifié, une stratégie, des "plans" et des objectifs de victoire.
Il faudrait aussi des pertes. Et je suis désolé de faire, en ce jour, le cynique, mais "la France" a perdu l'équivalent du nombre de tués quotidien sur ses routes. C'est certes "trop", "horrible", "beaucoup", "insupportable", mais cela n'en reste pas moins l'équivalent de 2 jours de bombardements en Ukraine.
3 hommes, 3 abrutis de 1ere classe, 3 ce-que-vous-voulez ont tué des journalistes qui vivaient leurs idées jusqu'au bout, des policiers et de pauvres passants...dans un scénario d'une horreur absolue qui m'a profondément choqué .
Mettons le en perspective aussi avant de partir faire un autre djihad.
Il n'y a pas de guerre car il n'y a pas de victoires à attendre.
Il n'y a pas de guerre car vos "ennemis" sont autant vos propres contradictions, actions ou amis que ceux que vous pointez du doigt.
De l'extrême gauche à l'extrême droite vous avez "les mêmes" qui seraient prêts à faire les mêmes horreurs ....chez vous....et ceux là sont "de souche". "Méga de souche"....avec des noms qui sentent bon l’Auvergne profonde.
Depuis des années, beaucoup croient au grand soir "nationaliste" ou "socialiste" en rêvant de révolutions et de Bastilles à prendre...sauf qu'ils ont du mal à définir la Nouvelle Bastille tant notre monde est devenu plus complexe et plus subtil.
L'étranger, arabe, juif ou pas de chez nous, fait bien l'affaire car c'est simplement facile et en plus, à voir sa gueule, on ne peut pas se tromper.
Donc rangez vos fusils...l'épicier arabe du coin n'est pas votre ennemi ..de plus il peut ne pas être musulman (oui c'est compliqué...on vous fera des dessins).
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire. Il faut avoir un plan, des objectifs et une politique...qui vise d'abord à traiter nos djihadistes d'une manière ou d'une autre...(je me suis fait convaincre hier soir par un ami suisse qu'il y a des façons plus simples que de tous les buter), et surtout...surtout ...repenser notre politique internationale.
On ne peut pas emmerder le monde entier en permanence et s'attendre à ce que personne ne vienne nous emmerder....ça n'excuse rien mais ça peut faire descendre les "risques" liés à cette exposition permanente qu'on a depuis plusieurs années....
Pierre Jean Duvivier 11.1.2015
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De la place de la Russie dans le concert des nations européennes.
L'actuel conflit dans l'est de l'Ukraine, les tensions internationales qui l'accompagnent, le durcissement des systèmes d'alliances, les sanctions économiques internationales, signifient-ils que la Russie n'a plus sa place dans le concert des nations d'Europe ? Le climat psychologique qui règne en cette fin d'année 2014 pourrait le laisser croire.
Je ne pense pas qu'ils s'agisse d'une analyse acceptable. La Russie, quelle que soit la nature de son régime politique, a toujours joué un rôle dans l'Est européen. Depuis que les princes russes ont secoué le joug tatar, il est admis que le peuple établis dans les plaines de l'Est a son mot à dire dans les jeux politiques du continent. Cela n'est pas près de changer. Il ne serait pas bon que cela puisse changer.
Que la crise ukrainienne soit grave, que le « soft power » de la Russie soit proche de son extinction, que l'OTAN soit amenée à jouer un rôle grandissant, que cette crise ne finisse par coûter cher à tout le monde, soit. Mais je suis de ceux qui pense que quand le respect des frontières et des traités sera redevenu la norme dans l'Est, Moscou retrouvera sa place normale à la table des États européens. Moscou a un rôle a jouer dans le monde, un rôle stabilisateur. Il est important. Plus tôt les esprits se seront calmés dans le Donbass et en Crimée, plus tôt le territoire de l'Ukraine sera respecté, mieux ce sera.
Bernard Antoine Rouffaer 8.12.2014
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Depuis 3 ans, la guerre en Syrie a attiré des milliers de volontaires étrangers, venus combattre l’armée de Bashar el-Assad. Leur nombre est estimé à 12000, originaires essentiellement du monde arabe mais pas uniquement : on compterait plus de 2000 Occidentaux dont environ 700 Français. Le phénomène des filières jihadistes n’est pas nouveau. On se souvient de l’Irak, de la Tchétchénie ou encore de la Bosnie. L’ampleur du jihad syrien rappelle toutefois un autre précédent, celui de l’Afghanistan des années 1980, lorsque des milliers de combattants avaient afflué pour faire face à l’occupant soviétique.
Après le départ de l’Armée rouge d’Afghanistan, en 1989, les moudjahidines ont crié victoire et les combattants étrangers ont progressivement quitté le pays, exportant le jihad dans d’autres régions du monde. En 1993, le département d’Etat américain a produit une note classifiée intitulée « Les moudjahidines errants : armés et dangereux ». Cette note mettait l’accent sur le potentiel de déstabilisation de ces individus aguerris, revenant en nombre dans des pays déjà en proie à de fortes tensions, à l’instar de l’Algérie. Elle insistait aussi sur la velléité de certains combattants de s’en prendre à l’Occident, perçu comme tout aussi impie que l’Union soviétique.
La génération des « Afghans » a marqué l’univers du jihad. Voici venu le temps des « Syriens ». Le jihad en Syrie continue d’attirer de nouveaux volontaires. On observe concomitamment une accélération des retours. Ce phénomène est dû à l’accroissement des rivalités fratricides entre jihadistes. Ces rivalités ont éclaté au grand jour en 2013 et se sont brutalement accentuées au cours des derniers mois. L’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) reproche à Jabhat al-Nosra – un groupe adoubé par le chef d’Al Qaïda, Ayman al-Zawahiri – son laxisme dans l’application de la charia et son attitude trop conciliante à l’égard des chiites. Au-delà de ces explications se cache une lutte de pouvoir entre Zawahiri – qui ne dispose pas de la même aura que son prédécesseur Oussama Ben Laden – et l’émir de l’EIIL, Abu Bakr al-Baghdadi. Dernier épisode en date : en mai, le porte-parole de l’EIIL a demandé à Zawahiri d’annoncer la dissolution de Jabhat al-Nosra et d’ordonner à ses membres de prêter allégeance à Abu Bakr al-Baghdadi.
Les affrontements inter-jihadistes suscitent trois types de réactions chez les volontaires étrangers : certains obéissent aux ordres et participent aux combats fratricides ; d’autres se retirent temporairement dans des pays frontaliers en attendant une meilleure conjoncture ; d’autres enfin choisissent de rentrer dans leur pays d’origine. Le retour de ces jihadistes aguerris est d’autant plus dangereux que, considérés comme des lâches voire des traitres par leurs anciens frères d’armes, ils peuvent être tentés de passer à l’acte pour redorer leur blason.
Toutefois, leur retour précipité et non-planifié n’est pas nécessairement annonciateur de grandes catastrophes : pris de court, ils n’ont probablement pas eu le temps de préparer des attentats sophistiqués et pourraient se limiter à des tentatives d’attaques plus rudimentaires. Autrement dit, un nouveau 11 septembre n’est pas pour demain. Les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone ont nécessité des mois de préparation et une organisation minutieuse. Al Qaïda bénéficiait alors d’un sanctuaire en Afghanistan, où des centaines de terroristes ont été formés. Le 11 septembre a constitué une surprise stratégique pour les Etats-Unis et leurs alliés, qui ont depuis focalisé leur attention sur la mouvance jihadiste. Les traces laissées par la préparation d’un méga-attentat ne manqueraient pas d’alerter les services compétents, d’autant que les systèmes de surveillance ont beaucoup évolué depuis 2001. Bien plus probables à court terme – et plus difficiles à empêcher – sont les attaques simples, « à la Merah », provenant de micro-cellules terroristes, voire d’individus isolés.
A plus long terme, les menaces provenant de Syrie ou d’autres terres de jihad pourraient prendre des formes plus élaborées. La patience fait partie des valeurs cardinales de la mouvance jihadiste. A preuve, les attentats du 11 septembre 2001 ont eu lieu plus de 10 ans après le retrait soviétique d’Afghanistan. Les Occidentaux aimeraient pouvoir oublier la tragédie syrienne, mais elle continuera de produire ses effets négatifs pendant des années : la tuerie de Bruxelles n’est probablement qu’un prélude.
Cet article de Marc Hecker a été publié dans Libération le 6 juin 2014.
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Le gambit de la Reine Russe en Ukraine
Ma femme est ukrainienne. Mes beaux-parents sont ukrainiens et nous avons de la famille dans la capitale et dans des villes de l'est de l'Ukraine. Cette « guerre » nous la vivons depuis des mois, plongés entre inquiétudes pour les proches et absence d'avenir. Ce préambule pour vous expliquer que je ne suis pas neutre, non, mais que la vision que j'ai des événements "se défend aussi". Je vais partager avec vous ma vision - nettement moins caricaturale que mes tweets - mais pro-ukrainienne.
Ceux qui me suivent sur Twitter (@pjduvivier) connaissent mon engagement "pro-Ukrainien" depuis le début des événements.
J'ai applaudi au Maidan et à la chute de Yanoukovitch. Je soutiens sans réserve l'armée ukrainienne dans son droit inaliénable à défendre son territoire.
J'ai été largement convaincu par ma propre connaissance de l'Ukraine (pays où je me suis le plus rendu après la France... et l'Espagne), et les explications détaillées fournies par des gens que je connais sur place et par ma famille. Certains ont vécu et vivent les événements de l'intérieur, de la capitale aux régions de l'est de l'Ukraine. Certains sont morts aussi.
Passionné d'histoire et de politique, je pense aussi connaître correctement les événements de la seconde guerre mondiale en toute "neutralité". J'ai aussi fait quelques études de russe... Le russe est une langue qu'on parle tous les jours dans la famille, en particulier avec ma petite fille.
Je vais vous livrer pêle-mêle quelques arguments que j'oppose à ceux qui ne voient en Ukraine qu'un simple et triste complot états-uniens ou européen.
La crise de février n'est pas récente, mais la conséquence de plusieurs années de crise.
Certains ont été surpris de la violence de la crise du Maidan. Les images des miliciens ou policiers locaux, puis de Berkut, "en feu" ont tout de suite fait réagir "nos légalistes".
Il faut comprendre plusieurs choses :
1. Yanoukovitch a patiemment mais sûrement, durant des années, détruit et morcelé la liberté d'expression en Ukraine en durcissant toutes les législations qui le lui permettaient. L’Ukraine n'est pas le seul pays dans ce cas en Europe. C'est même une tendance générale, et les pays de l'UE (comme la Hongrie) ne sont pas en reste. C'est un fait.
2. L’Ukraine a été habituée , contrairement à la Russie voisine, à avoir une "réelle" démocratie, c'est à dire qu'il était possible de dire ce qu'on voulait sans risquer d''être tué, depuis 1991. Cela n'a pas empêché des journalistes de se faire tuer mais la liberté d'expression existait. Les Ukrainiens ont d'ailleurs toujours été plus libéraux que leurs "protecteurs russes". L'élan de Yanoukovitch qui visait à se maintenir au pouvoir en augmentant ses propres pouvoirs, et en accumulant des lois "liberticides", a donc heurté beaucoup de monde.
3. En 1991, l'Ukraine va voter pour redevenir indépendante.
Je dis "redevenir" car en 1918 ce fut le cas pendant quelques temps avant que les communistes rappellent leurs camarades russes pour écraser une démocratie ukrainienne naissante (en 1918).
En cela le Maidan n'est pas un fait "nouveau" mais une résurgence d'un passé mythique de l'Ukraine, dirigé contre les Russes communistes.
Les affrontements du Maidan sont donc une résurgence d'un inconscient populaire ; Yanoukovitch symbolisant parfaitement "ces communistes" qui avaient pactisé avec la Russie bolchevique de 1918. (Ce même si Yanoukovitch n'est plus communiste).
Il est intéressant de constater qu'en 1991 toutes les régions votent pour l'indépendance à une écrasante majorité.
Les zones frontalières avec la Russie sont plus russophiles tandis que les zones voisines de la Pologne sont plus europhiles.
Toutefois les populations voisines de la Russie sont le plus souvent "russe" au sens propre du terme.
Notons que l'Ukraine voit deux notions coexister, qui n’existent pas en France : La nationalité et la citoyenneté. Vous pouvez être de nationalité "russe" mais de citoyenneté "ukrainienne". Le caractère "russe" de votre origine sera présent sur votre passeport intérieur (carte d'identité). Il n'y a donc pas de "tabous" à se caractériser par son origine.
A l'Est, beaucoup de gens, à la chute de l'URSS, se sont retrouvés avec un passeport ukrainien sans vraiment le vouloir, c'est vrai. D'autant plus qu'ils étaient au final le fruit d'une politique de migration et de peuplement russe.
Toutefois les aspects "ethniques" vont peu à peu se dissoudre pendant 20 ans... L'Ukraine, plus pauvre mais plus libérale, va aussi être apprécié par ces "Ukrainiens malgré eux", ce qui fait que, dans ces régions de l'Est, les derniers sondages "sérieux" ne donnaient que 10 à 15% de gens prêts à être annexés à la Russie.
Ils peuvent comparer facilement avec la famille parfois resté de l'autre coté de la frontière (en Russie) et voir comment les deux États et les deux nations vont s'éloigner.
Toutefois ces régions sont restés mal aimés des gens de l'Ouest et vice-versa. Vous entendrez facilement un Ukrainien de l'Ouest décrire "le Donbass" comme un repaire de bandits incultes et les gens du Donbass parler "des paysans de l'Ouest parlant une demi-langue, l'ukrainien". Le Donbass reste toutefois une région plus riche que les autres grâce aux matières premières.
Les choses sont un peu plus compliquées dans les grandes villes mais cette dichotomie ouest/est peut rappeler certaines autres, nord/sud, dans beaucoup de pays européens.
Il y a donc un "bashing" populaire mutuel sur la base de cette division, qui peut se retrouver sur les choix politiques.
Toutefois la dichotomie politique est équilibrée globalement et ne permet pas de faire une lecture aisée des rapports de force.
Lors des dernières élections l'Est votera plus "bleu" mais sans que cela soit un raz de marée, et inversement. Cela montre aussi qu'à l'Est une très grosse minorité des gens soutiendront le Maidan et avait soutenu aussi la révolution orange.
Il existe en particulier des thèmes communs - comme la lutte contre la corruption d’État - qui mobilisent autant des deux côtés.
4. Le clivage est/ouest ne jou(ait) plus au Maidan.
Beaucoup de journalistes vont souligner que lors des événements du Maidan, le soutien populaire est équilibré, provenant autant de l'Est que de l'Ouest. Le fait nouveau est que l'Est va aussi fournir un nombre important de "troupes" et plus tard de morts.
Cet élément nouveau est explicable aussi par le lâchage des cadres intermédiaires du parti des Régions qui va vite comprendre que Yanoukovitch joue "plus un jeu personnel" qu'un jeu collectif. La base du parti des Régions en a aussi marre d'un Yanoukovitch "qui pète les plombs" et qui ne devait servir que leurs intérêts locaux - entendre s'engraisser tranquillement - et non pas se lancer dans un Monopoly géant entre UE et Russie.
Il faut ajouter à cela le jeu des obligés. L’Ukraine peut être vu comme un système féodal où des seigneurs locaux concurrencent largement le pouvoir central sur beaucoup de points. La Mafia y joue un rôle non négligeable voir centrale.
En n'arrivant pas à alimenter correctement ses propres réseaux d'obligés, Yanoukovitch commence aussi à les mécontenter. C'est sa propre gloutonnerie (avec la famille) qui fait le vide autour de lui.
Certes, il prend bien soin de recréer une milice quasi personnelle - les Berkuts - en leur donnant des attributs militaires et des équipements sophistiqués, mais son pouvoir se radicalise à l'image de ses voisins biélorusses et russes.
Cette radicalisation ne plaît pas non plus "à l'Est" de l'Ukraine et c'est ça que Moscou va commencer à voir rapidement.
5. Moscou n'aime pas Yanoukovitch - un sombre crétin.
Poutine ne se gênera pas à plusieurs reprises de laisser fuiter des confidences sur Yanoukovitch. C'est pour lui "un parfait crétin". Ce qui est d'ailleurs effectivement le cas. Yanoukovitch est dans la lignée des mafieux de l'Est ukrainien : peu de cervelle mais beaucoup de muscles. Son passé de violeur peut en témoigner. Il fût en effet condamné pendant l'Union Soviétique "pour viol en réunion"...
Il adore s'entourer des mêmes profils et développe une certaine habitude d'employer les fameux "tetuschkis", des sportifs adeptes de body-building qui ne font rien d'autres de leurs vies que de menacer X ou Y après qu'on les ait payé pour cela.
On assiste donc à une dérive du Pouvoir qui "pourrit sur pied". S'ajoute à cela une crise économique qui s'aggrave. Ce Pouvoir mets donc en danger aussi la Russie, car elle éloigne des populations naturellement "pro russes" des partis politiques censés vouloir un rapprochement avec la Russie.
6. La goutte d'eau qui fait tout déborder : l'accord Européen.
L'accord avec l'Europe était discuté depuis un certain temps et largement approuvé à plusieurs reprises par la Rada (Assemblée ukrainienne, parlement). Il ne suffisait donc plus que de le signer.
Yanoukovitch va prendre sur lui de ne pas le faire, contre l'avis de son propre parlement.
Je ne sais pas bien si la Constitution, qui était devenue très présidentielle, le permettait, mais en tout cas il le fait, et il le fait quasiment avant de prendre l'avion pour parapher l'accord avec les Européens.
C'est un beau camouflet pour l'Europe qui avait déjà consenti "des avances" lors des dernières cinq années, tant l'accord était officieusement validé.
C'est le résultat d'un jeu russe qui va contraindre Yanoukovitch a changer radicalement de direction.
7. La Russie entre dans le jeu.
La Russie n'accepte pas que les pays formant "son nouveau glacis protecteur" puissent se rapprocher de l'OTAN ou de l'UE. C'est une quasi doctrine russe, sachant que la Russie a vu diminuer son influence en Europe d'une manière drastique en 20 ans.
De plus l'Ukraine est une pierre angulaire du nouveau marché commun "Eurasien" englobant les pays qui lui sont limitrophes.
Bref l'accord avec l'UE arrive mal et Poutine l'a certainement vu comme une poussée "anti-russe".
Poutine pense certainement perdre la face si l'Ukraine fonce droit sur un accord de partenariat avec l'UE. Il ne comprend pas que l'Ukraine aurait pu avoir un accord avec l'UE tout en restant dans l'union douanière "eurasienne". Les deux ne sont pas forcément incompatibles et auraient pu même être positifs pour tous le monde.
La Russie a aussi peur de perdre l'accès aux ressources ukrainiennes et voit d'un très mauvais œil les grands acteurs de l'énergie occidentaux draguer ouvertement les autorités locales ukrainiennes, sans parler de la politique favorable de l'Ukraine vis à vis de l'OTAN (participation aux manœuvres, participation à l'intervention en Irak ...).
Ajoutons à cela le difficile accord obtenu pour conserver la base russe de Sébastopol, en Crimée, et l'inquiétude sur le nouveau, à négocier bientôt.
Bref, l'Ukraine semble inexorablement s'éloigner de l'orbite russe, ce qui est inconcevable chez beaucoup de Russes et en particulier Poutine.
Poutine a toujours considéré la chute de l'URSS comme une catastrophe. Il a même considéré que l'indépendance de la Finlande (NDLR) était "contraire" aux intérêts russes.
Il ne voit la Russie sereine que quand elle sera de nouveau puissante.
Or, son rêve de puissance économique s'effondre.
Il a raté son virage économique, lequel visait à doter la Russie de grandes industries en dehors du pétrole et du gaz.
Rien n'a pris en dehors de ces secteurs importants car aucun investisseur étranger n'investit en Russie, en dehors de ces deux secteurs.
Medveded avait un rêve : celui de transformer Moscou en une vraie place financière mondiale. Là encore échec complet, total, sur toute la ligne. Personne ne fait confiance aux banques russes et encore moins au gouvernement russe.
La guerre de Poutine contre les oligarques a en effet vacciné toute la finance mondiale contre la Russie. Une finance mondiale qui lui refuse ses capitaux, qu'elle déverse ailleurs, sur New York, Londres, Singapour, Hong Kong et même Shanghai.
Bref la Russie est face à une économie de rentier qu'elle n'arrive pas à transformer en économie à l'occidentale, ou à la chinoise. Ses rêves de puissance économique s'effondrent au fur et à mesure que la Russie est rattrapée par la crise.
Poutine n 'a pas compris que son pouvoir personnel, incarné par des coups d'éclats contre des personnalités, une instabilité juridique importante, sont des "tue l'amour" pour tout investisseur étranger...sauf évidemment les grosses entreprises françaises qui ont toujours un flair extraordinaire sur la Russie.
8. Le gambit de la Reine Russe.
La Russie veut se débarrasser de Yanoukovitch en le poussant à la faute. L'idée est de le faire partir vite pour permettre une nouvelle période de campagnes électorales où ils pourront à loisir pousser leurs candidats "plus stables".
L'analyse russe est en effet arrivé à la conclusion que la politique de Yanoukovitch entraînera une fort rejet de son camp aux prochaines élections et l'élection de candidats encore plus européens que dans le passé.
Plutôt que de le laisser continuer son œuvre de sape - malgré ses qualités de suiveurs des politiques russes - les Russes veulent faire un gambit.
Un gambit de la Reine, aux échecs, est le coup qui voit la dame se suicider pour prendre la dame adverse.
Les deux plus puissantes pièces neutralisées, celui qui a les meilleurs positions, préparées, l'emporte ensuite.
Ce gambit prend la forme d'un conseil russe au gouvernement ukrainien "pour tuer l'accord UE" dans un premier temps, ce qui entraîne les manifestations d'Euromaidan, puis, en février, d'un second conseil prodigué, cette fois, pour "tuer la révolte" du Maidan.
Les spécialistes russes conseillent à un pouvoir déjà isolé d'employer la manière forte : matraquages, enlèvements, assassinats.... Dès janvier et février, les vieilles méthodes soviétiques sont à l’œuvre à Kiev.
L'objectif est de le rendre suffisamment impopulaire pour provoquer une nouvelle donne.
Une nouvelle donne pour de nouvelles élections "non préparées" où le parti des Régions de Yanoukovitch pourrait rejouer une bonne partition.
Dans tous les cas, un effondrement du pouvoir central ukrainien après les années de sape de Yanoukovitch rendrait la Crimée fragile et l'est de l'Ukraine aussi.
9. Le replay de la prise des capitales baltes dans les années 20.
La Russie ne joue pas "une nouvelle stratégie" mais exactement la même technique mise en place dans les années 20 dans les pays baltes quand quelques mercenaires payés par les Russes vont prendre des bâtiments publics, puis être rejoints par les communistes du coin, et les « traînes savates » qui suivent pour quelques roubles bien lancés.
C'est exactement ce qui s'est passé dans les trois pays baltes à l'issu de la révolution bolchevique. Et c'est exactement pour cela que ces trois pays sont les plus virulents contres les Russes. Cette guerre hybride, où la Russie "va déléguer" des "volontaires", voir des bataillons entiers avec des uniformes inventés, ou sans uniformes, pour prendre des positions stratégiques, des bâtiments administratifs, tout en tentant de soudoyer tout ce qui peut être soudoyé, n'est donc pas une nouveauté.
La Russie va parfaitement jouer sa partition en Crimée, où le scénario balte se déroule avec quelques morts. Il n'y aura pas de combats.
La Russie va ensuite pousser la même technique à l'est de l'Ukraine et à Odessa.
10. Une nation se crée.
L'erreur de Moscou vient du mépris que les Russes ont toujours eu pour les Ukrainiens, "ces bouseux", "ces petits russes".
Ils n'ont jamais reconnu les Ukrainiens comme un peuple à part entière.
Ils les ont toujours considéré comme un peuple "russe" "perdu" que le grand frère devait parfois ramener à la raison avec force et fermeté. 10 millions d'Ukrainiens le paieront de leur vie à cause d'une famine "organisée" (Holodomor, http://fr.wikipedia.org/wiki/Holodomor). Staline dira de l'Ukraine que cela serait une terre parfaite sans les Ukrainiens.
Après la Crimée, l'est de l'Ukraine, Odessa, voir les villes du Sud , devaient aussi tomber sans trop de combats.
Or l'Ukraine va voir se produire un événement inattendu : la fierté d'être ukrainien "naît". Par opposition aux Russes qui représentent la mafia et l'injustice, beaucoup d'Ukrainiens qui ne se considéraient même pas vraiment comme ukrainiens vont vouloir se battre.
La nation française est véritablement née en 1789 et pendant les années qui suivirent quand nos voisins nous ont attaqué. Et certains se sont mis à se sentir français par réaction à une injustice perçue ..un affront à ce qu'ils voulaient être.
C'est ce qu'il s'est passé en Ukraine. Une nation est née, et la Russie a dû se battre avec ses obligés dans des combats d'une violence rare en Europe.
11...Et maintenant ?
L'incurie occidentale, faite d'un "demi plein" ou d'un "demi-vide", et la trahison de facto de l'Allemagne et de la France, qui se sont positionnés dans une neutralité bienveillante à l'égard de la Russie, rend l'équation ukrainienne impossible.
L’Ukraine ne peut pas mener une guerre contre la Russie d'une manière "classique".
La Russie, non plus, ne peut pas véritablement gagner une guerre sans payer un prix terrible par ses soldats et son économie.
En gros les deux belligérants sont figés dans une guerre qui empoisonnera l'Europe pendant encore, peut être, des décennies, sauf si un accident arrive à Moscou.
En attendant, des générations entières d'Ukrainiens sont sacrifiées sur l'autel des rêves avortées de l'ex-empire soviétique.
Pierre Jean Duvivier 2.10.2014/2.11.2014
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RUSSIE : Idolâtrie romantique occidentale.
L’idolâtrie romantique occidentale envers la Russie fait des dégâts même au journal LeTemps (www.letemps.ch) en Suisse.
Article Lamentable qui part comme toujours sur l'idée d'une fausse neutralité pour arriver à accuser les USA de tous les maux sur terre et voir la Russie comme une pauvre victime des méchants banquiers occidentaux forcement libéraux et tout ce qui s'en suit.
L'Ukraine au milieu on l'oublie. La Géorgie au milieu on l'oublie et je ne parle même pas des Moldaves qui n'ont jamais existé pour personne.
Poutine a forcement raison...on oublie les opposants assassinés, les prisonniers politiques, l'absence quasi totale de liberté d'opinion, les massacres divers et variés dans toutes leurs régions où un début de volonté "autonomiste" a voulu voir le jour.
Bref le romantisme des niais occidentaux que certains aux KGB adoraient mépriser a encore frappé. Ceux qui ont eu à manipuler ces élites intellectuelles "occidentales" savent à quel point elles sont méprisables.
La culture ne vaccine de rien...encore une preuve flagrante.
Pierre-Jean Duvivier 25.8.2014
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UKRAINE-RUSSIE : un pays européen lutte pour la survie des siens.
La Russie attaque et envahit l'Ukraine en ce moment. C'est de plus en plus "officielle" et l'aviation ukrainienne vient juste de faire de sorties à priori en territoire russe (sic). L'Ukraine est seule comme le fût jadis la Tchécoslovaquie et la Pologne ensuite. Elle est dépassée....ces T-64 ne pourront pas faire le poids face aux T-90 russes. Je sais que les ukrainiens sont courageux et qu'ils connaissent encore le sens de l'honneur contrairement à nos gouvernements Français et Allemands qui les ont trahis mais la bataille n'est pas équilibrée....la victime ne peut pas se défendre. C'est donc une fois de plus vers les américains qu'un pays européen va désespérément attendre une aide....espérons simplement qu’Obama aura les couilles de faire plus qu'une simple liste d'oligarques balancée sur les sites ant-i corruptions....Aujourd'hui je sais que l'Europe de la défense n'est qu'une fiction qui ne protégera personne. Et on en appelle de nouveaux aux américains qui sont à 10'000 km.....de nouveau. Je pense aussi à ces jeunes ukrainiens que j'ai côtoyé et qui vont aller se battre pour défendre leurs familles. Je les connais. Ils ne sont pas nationalistes....ils sont simplement pragmatiques...ils sont revenus de toutes les désillusions du communisme et savent se débrouiller mais là de nouveau l'histoire leur joue un tour pendable. L’Ukraine c'est ces gens qui ont été capables de se battre 2 ans contre 2 armées - Nazis et Soviétiques- dans l'indifférence la plus grande et qui ont perdu. Le sens du sacrifice est inscrit dans leur gène et la liberté y est encore plus forte. Pacifiques mais ayant un sens de l'honneur poussé, des révoltes de paysans à l'histoire récente, les ukrainiens ont toujours eu la rébellion dans le sang et l'injustice comme ennemi. Aujourd'hui les premières unités ukrainiennes composées de conscrits...de jeunes, font face à l'élite de l'armée russe dans un combat inégal où les pertes seront massives. Aujourd'hui, jour de la finale de la coupe du monde, un pays européen lutte pour la survie des siens car ils ont eu l'audace de vouloir dire non à 100 ans d'esclavage. Des gens que ma famille connaît ont été tué ces derniers jours....mon beau frère a perdu 2 amis à Slovyansks....une fois de plus une peuple qui a toujours été pacifique se trouve face à un peuple qui a toujours été agressif. Une fois de plus ce peuple est trahi, abandonné, et ne doit compter que sur lui même. Une fois de plus le courage , le droit inaliénable à défendre les siens va reprendre le dessus et faire face. "Gloire aux héros, ils ne meurent jamais..."
Pierre-Jean Duvivier 13 juillet 2014
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La Suisse doit-elle conserver une armée ?
Oui, pourquoi conserver une armée ? Voila un pays neutre, sans ennemi déclaré, sans ambitions territoriales, sans désir d'accès à la mer, qui n'opprime pas ses minorités, qui ne connaît pas (plus) les affres des conflits confessionnaux... Pourquoi conserver une armée ? Pour ennuyer la jeunesse ? Pour enrichir les industries d'armement ? Pour permettre aux jeunes élites de s'auto-évaluer et se reconnaître ? Par habitude ? Par caporalisme naturel ? Par goût de l'uniforme ? Pour subventionner les régions de montagne ? Pour donner le grand frisson aux pilotes militaires ?
Mon opinion est plus simple : sans une armée efficace, la Suisse n'existerai pas. Simplement.
Ses territoires et ses populations ne seraient que des parties de grands ensembles européens, ex-impérialistes, la France, l'Allemagne, l'Italie. Lausanne serait une sous-préfecture, Bern une sorte de Metz, ex-ville frontière, de garnison. Le Tessin aurait connu les bombardement alliés en 1943-45. L'intelligentsia de cette partie du Land de Souabe, outre-Sarine, s'interrogerait pour savoir si ses Pères firent bien d'obéir en tout aux ordres venus de Berlin... Et il y aurait des monuments aux morts partout.
Je préfère l'armée suisse.
Bernard Antoine Rouffaer 9.2.2012
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IMAGE DES ETATS-UNS AUPRES DES CITOYENS ALLEMANDS.
61% des Allemands considèrent que les USA ne sont pas un partenaire fiable... Voila le résultat de la politique de la NSA: Transformer la nation la plus américanophile d'Europe en partenaire méfiant. Quand on laisse les barbouzes mener la politique étrangère de son pays à la place des diplomates et des politiques, on obtient un beau m...ier. 60 ans d'investissement politique et militaire US en RFA à la poubelle. Bravo! Je reste sidéré à la vitesse à laquelle les USA démolissent leur image international. C'est quasiment un cas d'école.
Bernard Antoine Rouffaer 8.11.13
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