Prendre de la hauteur sur la question kurde
Depuis l'échec de la réception internationale des résultats du référendum sur l'indépendance organisé dans la zone autonome du Kurdistan kurde, l'humeur, dans les milieux politiques kurdes, est morose. C'est clairement un échec, sanctionné sur le terrain par la reprise de la ville de Kirkouk par les troupes du gouvernement de Bagdad.
Tout échec est douloureux, mais je pense que, sur la question kurde, il faut prendre de la hauteur. Et considérer le chemin parcouru depuis l’époque où les Kurdes n’étaient que des bergers semi-nomades, illettrés, inorganisés, sans liens avec l’extérieur, divisés en tribus, et habitant les chaînes de montagnes isolées séparant le monde turc du monde iranien, soit depuis la fin du XIXe siècle.
Ceci prit en compte, il semble évident que la marche vers une forme ou une autre de puissance et d’indépendance de ce groupe de populations ne pourra pas être arrêtée. Les événements d’Irak et de Syrie, depuis 15 ans, en sont une bonne illustration.
Prenons le cas de la Russie. La politique russe vis-à-vis de l’Orient musulman (Asie centrale, Proche-Orient, Moyen-Orient), active sans discontinuité depuis le XVIe siècle, et à l’offensive depuis le siège d’Azov en 1696, est susceptible de prendre de tels faits en considération. À moyen terme, Moscou a tout intérêt à appuyer une force montante plutôt qu’à faire tout reposer sur l’énergie déclinante de la Turquie. Pour juger des capacités de cette dernière, il suffit d’observer le territoire toujours plus restreint sur lequel s’exerce le pouvoir turc – ottoman ou kémaliste – depuis 1683. Cette analyse peut être faite par toute diplomatie lucide et prévoyante.
Les Kurdes irakiens ont perdu Kirkouk. C'est un net recul sur le terrain. Mais la cause kurde, depuis l'engagement de ses combattants contre l’État Islamique, a connu une remarquable augmentation de son crédit. Les populations kurdes, hier à peine regardées par un public occidental distrait, sont vues comme des facteurs de progrès et de sécurité. Ce qui n'est pas un mince résultat pour des tribus considérées depuis des siècles comme des nomades dangereux et incontrôlables...
L'instabilité politique dans le sein de la république d'Irak va perdurer. La brutalité de la réaction de Bagdad après le référendum kurde, les règlements de comptes après la prise de Mossoul, l'indiquent bien. La Syrie, elle, ne se relèvera pas vite de sa chute dans l'abîme de sa guerre civile. Les puissances extérieures à la zone, toujours à la recherche d'équilibre, vont donc devoir s'appuyer sur des éléments solides, compréhensibles.  Les Kurdes sont de ceux-là.
Il faut donc, pour ces derniers, attendre le moment favorable. Celui où les puissances seront disposées à accepter une indépendance de jure. En attendant, l'autonomie de facto doit être consolidée, particulièrement sur le plan économique, spécialement dans le domaine de la recherche de l'autarcie.  Là est la clef de l'Indépendance.
Bernard Antoine  Rouffaer 30.11.2017
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