La vie d'Angelo Soliman
Ah ben tiens! Je suis tombé encore sur un destin pas banal: Angelo Soliman (1721-1796).
Lui aussi a été vendu comme esclave enfant, et on ignore donc son origine précise en Afrique. Il débarque en Sicile où une marquise Sallima le baptise et l'éduque avant de le refiler (sic) au gouverneur militaire de l'île, prince Lobkowicz. Celui-ci emmène son négrillon dans ses campagnes malheureuses en Hongrie jusqu'à ce qu'il soit remercié par Marie Thérèse et remplacé par le prince Wenceslas de Liechtenstein (photo), qui récupère ainsi Angelo. Nous sommes en 1753.
"Mauresque de Cour" (Hofmohr) à Vienne, Angelo est bien payé (et logé) chez les Liechtenstein où, à part une interruption de quelques années, il fera toute sa carrière et accompagnera partout son patron. Notamment à Francfort en 1764 pour l'élection de Joseph II (frère de Marie Antoinette) comme Roi des Romains. Là, Angelo gagne une fortune au jeu (100x sa pension annuelle) qu'il investira à son retour à Vienne dans les mines de cobalt. Il se marie en 1768 et en aura une fille.
Bien intégré dans la haute société, parlant 6 langues et égayant la curiosité orientale de la haute aristocratie, Angelo joue même au tarot avec l'empereur Joseph II et bat les Altesses aux échecs.
Comble d'honneur! Il est adoubé parmi les premiers comme frère dans LA nouvelle loge franc maçonne à la mode, "A la vraie concorde" dès 1781. Avec son ami qui y tiendra le marteau, Ignaz von Born, il y restera 5 ans et y jouera le rôle de "frère terrible" qui effraiera les candidats lors des étapes de leur initiation. Mozart, qui l'y vit, s'en servit de modèle pour son "Sarastro" de la Flûte Enchantée.
En 1796, Angelo meurt. Là commence une sombre histoire: Sa fille apprend que l'administration a confisqué la dépouille et elle porte plainte pour la récupérer, avec le soutien de l’Église. Refus. Et pour cause! Elle apprend bien vite que son père sera empaillé et travesti de plumes et colliers pour la collection d'histoire naturelle du nouvel empereur François II.
En 1808, la mode changea et on trouva cette exposition de mauvais goût. Angelo fut relégué au grenier du Musée où il brûla en 1848, lorsque Vienne comme les autres capitales européennes fut secouée de violentes révolutions.
Eric de Haynin 4.72017
|