"Gilets jaunes": la Banque centrale européenne doit financer la transition énergétique
La nécessité de la transition énergétique est une évidence. Résumons : du fait du bouleversement climatique, l'ensemble des infrastructures, des régions agricoles, des pratiques culturales, de l'habitat, des dispositifs sanitaires d'une grande partie du monde va subir un décalage environnemental par rapport aux époques où ils ont été créés. Telle région viticole - le Bordelais, par exemple – va devoir réaménager l'ensemble de ses habitudes de culture. Telle mégapole – à cause des changements de température – va devoir revoir complètement son architecture. Telle province, - par l'effet des modifications apportés au régime des pluies auquel elle est soumise – sera contrainte d'élargir toute son infrastructure de drainage, ou, au contraire, prévoir des lacs de retenue et des systèmes d'arrosage, … La liste des améliorations, des amendements, des corrections, des infrastructures nouvelles qu'il va falloir apporter - à minima sur l'ensemble du territoire européen - va être d'une telle ampleur, que la question de son financement se pose avec douleur.
Pendant des décennies, les écologistes, de toutes tendances, ont œuvrés, laborieusement, désespérément, pour éviter à notre univers les bouleversements redoutables auxquels il est désormais presque condamné. Ils voulaient protéger la biodiversité, prévenir des dégâts engendrés par la folie industrielle et consumériste, éviter à leurs nations et au monde les coûts énormes engendrés par une lutte inégale contre la mécanique climatique. On ne les a pas écoutés.
Maintenant, que la société de consommation à vaincu ses adversaires et a pu étaler presque sans entrave son empire sur les choses et les gens, alors que le désastre pointe à l'horizon, que l'effort gigantesque pour en atténuer les effets ne peut plus être évité, il est temps au système capitaliste de nous montrer que, s'il n'a presque rien pu faire d'efficace pour empêcher l'apparition du monstre, il est capable de générer les ressources nécessaires pour le combattre.
Comment fonctionne une banque ? Se basant sur ses actifs de réserve – titres, or, possessions diverses, confiance – elle génère des effets de commerce, des billets de banque ou de la monnaie scripturaire, à qui lui en fait la demande et présente les garanties nécessaires de succès et de remboursement. Une fois l'opération commerciale qu'elle a contribué à financer réalisée, la banque se fait rembourser avec bénéfice, puis détruit l'effet de commerce ou la monnaie scripturaire qu'elle a elle-même créé. Ainsi progresse l'économie moderne, loin des pénuries monétaires qui entravèrent si souvent, au cours de l'histoire, les relations économiques.
Les banques d’État, comme la banque d'Angleterre, fondée en 1694, ou la Banque de France, créé en 1800, agissent de la même manière, mais au profit de l’État, et de l'économie, en général.
Face aux grandes épreuves auxquelles les États sont confrontés, les banques d’État génèrent les ressources financières indispensables pour y faire face. Ainsi, Napoléon 1e en bénéficia dans sa lutte contre l'Europe monarchique. Malgré l'ampleur de la lutte, il ne manqua jamais de ressources.
Dans le cadre de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) joue désormais le même rôle. Elle émet les pièces et billets, contrôle la masse monétaire en circulation, prête aux banques privées, surveille lesdites banques privées.
À elle de mettre à la disposition des États de l'Union européenne les ressources nécessaires pour la lutte contre les effets du réchauffement climatique.
Elle seule peut générer, sur le long terme, les moyens financiers qui permettront aux ménages les plus fragiles d'isoler leurs logements, d'acquérir des voitures électriques, de changer leurs modes de consommation énergétique. Ainsi que l'exemple français le montre douloureusement, les États les moins riches et les moins prévoyants n'y parviendront pas seuls.
Seule une banque d’État peut se permettre de prêter, à taux zéro, pendant 15 ans, la somme nécessaire à une famille modeste pour se payer un véhicule électrique. Le rôle de l’État national devant se borner à surveiller les établissements publics de crédit ayant servi de relais, le remboursement du prêt – quitte à se porter garant de ce remboursement sur sa capacité de levée fiscale.
Générer ces ressources financières, les affecter à une œuvre d'utilité publique, de sécurisation des bases matérielles de l'économie, au profit des ménages pauvres, puis se les faire rembourser, ne générera ni inflation, ni bulles boursière ou immobilière.
Il n'y a rien dans les traités qui ont fondé l'Union européenne et permis la mise en place de la BCE, qui interdise de recourir à ce moyen de financement (voir les liens ci-dessous). La Banque de France, pendant 15 ans, a payé l'artillerie de Bonaparte ; la Banque centrale européenne doit payer la transition énergétique. Elle en a le devoir et les moyens. Ne pas le faire étalerait, aux yeux du monde, sur le fond crépusculaire de la crise climatique, son inutilité et son caractère parasitaire.
Bernard Antoine Rouffaer
7.12.2018
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Traité sur l'Union européenne
Article 13 :
« L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe. ... [et pour l'] amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. ... promeut ... la solidarité entre les générations ... Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. »
Sources :
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Version consolidée en vigueur depuis le 1er décembre 2009 (traité de Lisbonne), modifiée par la décision 2011/199/UE du Conseil européen du 25 mars 2011 (mécanisme de stabilité)
Article 119 :
« 1. Aux fins énoncées à l'article 3 du traité sur l'Union européenne, l'action des États membres et de l'Union comporte, dans les conditions prévues par les traités, l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des États membres, sur le marché intérieur et sur la définition d'objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. »
Article 123 :
« 1. Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »
« 2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés de crédit. »
Article 127 :
« 1. L'objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé "SEBC", est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne. Le SEBC agit conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes fixés à l'article 119. »
Article 128 :
« 1. La Banque centrale européenne est seule habilitée à autoriser l’émission de billets de banque en euros dans l’Union. La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales peuvent émettre de tels billets. »
Article 129 :
« 1. La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales constituent le Système européen de banques centrales (SEBC). »
Article 282 :
« 2. Le SEBC est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne. L’objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union pour contribuer à la réalisation des objectifs de celle-ci. »
« 3. La Banque centrale européenne a la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l’émission de l’euro. »
Sources :
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