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STRATEGIE: textes (2)

SARS CoV-2 : froideur des statistiques ou ouragan d'émotions ?
par Bernard Antoine Rouffaer

Il y a, au moins, deux manières d'aborder les épidémies  et leurs effets sur les sociétés humaines : l'approche émotionnelle, et l'approche logique.
Laquelle est-elle la meilleure ? Celle qui privilégie l'empathie avec les malades, qui concentre l'attention sur eux, au détriment du reste de la société, celle qui, perdu dans l'étalage de ses sentiments, orchestre un brouillard d'informations éparses et incomplètes, celle où l'affect l'emporte, ou, a contrario,  celle qui préfère une observation froide des événements, une mise en perspective des chiffres, un recul critique face à l'adversité ?

Clairement, nos médias traditionnels ont privilégié la première ; largement et puissamment. Depuis des semaines, sur les ondes et dans les colonnes des journaux, ce n'est que reportages angoissés sur la situation dans les hôpitaux, observation quotidienne des progrès de l'épidémie, déclarations objurgations à demeurer confinés, compilation du nombre des infectés et des morts partout dans le monde, projections fantastiques des pertes humaine probables...  Tout ceci, par exemple, sans prendre la peine de comparer les chiffres de l'épidémie de Covid-19... avec ceux d'autres fléaux tout aussi actifs, et sans considération des statistiques générales de mortalité.

Brouillard de guerre, brouillard d'épidémie.

Pour ma part, je préfère la seconde méthode. Question de culture. Non pas que je sois froid comme un lézard, uniquement préoccupé de chiffres et de statistiques, mais que je considère que cette manière d'approcher le problème est plus en accord avec nos racines culturelles. On me l'a reproché. Faire preuve de sang-froid en étudiant et comparant des données statistiques touchant à la santé humaine en cette période de pandémie est mal vu. Je devrais, bien plutôt, comme la majorité de nos amis journalistes, miser sur l'affectif, l'émotionnel, l'empathie ; je devrais me contenter de clamer mon soutien au personnel soignant, ma peine pour les victimes, de jouer de la musique sur mon balcon, d'allumer des bougies. Être dans le vent, donc.
Désolé, mais ce n'est pas mon genre. Pour l'affectif, je me contente de prendre des nouvelles et de soutenir 12 personnes âgées de 66 à 101 ans. Par mon approche réfléchie de la pandémie, je ne fais que reproduire le comportement que les civilisations occidentales ont exigé de leurs hommes depuis leurs débuts : conserver la tête froide, regarder la mort en face et calculer les risques. Pas de transe, pas d'excitation inutile, pas d'émotivité, pas de cri ; le silence et la réflexion. Puis le discours raisonné.

Celui qui garde la tête froide découvre bien des choses. Je passe sur l'état d'impréparation dramatique des pays européens, surtout si on les compare au groupe de pays asiatiques développés qui entoure le territoire chinois : Taïwan, la Corée du Sud, Singapour. Je passe aussi sur les hésitations des autorités concernant certaines mesures de protection, comme le port d'un masque, ou les contrôles sanitaires aux frontières. Il y a aussi ce qui va venir : la crise économique et sociale.
La mise à l'arrêt de la majorité des unités de production en Occident, la mise en confinement d'une part énorme de la population – qu'elle soit réellement menacée par le virus ou non – sans aucune discrimination, constitue un acte d'une audace extrême, d'une redoutable gravité. Quand on fera le décompte précis des pertes humaines liées à cet événement, on découvrira que celles causées par la crise économique et sociale, puis monétaire et politique, provoquées par la réaction des pays occidentaux dépasseront de beaucoup les morts directes causés par le SARS-CoV-2. Et que nombre de ces décès, cette fois, auront frappés les jeunes classes.

Car une crise économique, à notre époque, tue bien d'avantage qu'une épidémie.

Celle de 2008, par les coupes budgétaires dans le secteur de la santé qu'elle a rendu incontournables, a causé la mort de 500 000 personnes, malades de cancers non-recherchés, non-détectés, non-soignés. OXFAM, s'appuyant sur une étude de trois économistes, nous annonce jusqu'à 580 millions de personnes tombant dans la pauvreté du fait des conséquences de la crise causée par le SARS-CoV-2. Le FMI, lui, nous met en garde contre une crise aux conséquences voisines que celle de 1929. Nous savons les suites économiques, sociales et politiques de cette crise-là.

Nous devons aux jeunes générations de rester calmes dans la tempête, et de ne pas nous interdire de réfléchir aux conséquences de nos actes. Quitte à passer pour insensible.

Bernard Antoine Rouffaer
11.4.2020



Quelques sources :

The Lancet : «On associe la récente crise économique à 260 000 morts supplémentaires par cancer dans les pays de l'OCDE entre 2008 et 2010, dont 160 000 au sein de l'Union européenne »
«A l'échelle planétaire, ce sont bien plus de 500 000 morts supplémentaires par cancer pendant cette période», a indiqué à l'AFP le docteur Mahiben Maruthappu de l'Imperial College à Londres, qui a dirigé les recherches. »


« Jusqu’à 580 millions de nouveaux pauvres dans le monde. La facture sociale du Covid-19 risque d’être très lourde à en croire les projections de trois économistes, reprises par l’ONG Oxfam dans sa dernière étude, "Le prix de la dignité", parue jeudi 9 avril.  »


«Les retombées économiques les pires depuis la Grand Dépression» de 1929. C'est ce qu'anticipe Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) dans un discours diffusé ce jeudi, consacré à cette «crise à nulle autre pareille».  


Ce soir, Barcelone...


Ce soir, Barcelone. On s'indignera, évidemment. Difficile de faire autrement.
Mais après ?
La rétorsion policière et militaire est nécessaire. Elle n'est pas suffisante : les fondations idéologiques du totalitarisme islamiste sont imperméables à notre indignation. Mieux : les islamistes en jouent et comptent sur elle pour aggraver l'effet de leurs attaques et de leurs provocations innombrables.
Pour les mêmes raisons, l'étrange aveuglement de tant de nos dirigeants qui s'obstinent à proposer les mêmes mesures malgré tant de sang et tant de larmes n'annonce qu'une chose : la perpétuation des mêmes massacres.
C'est donc à un nouvel acte de cette tragédie, semblable déjà à tant d'autres, que nous venons logiquement d'assister.
On ne s'étonnera pas si l'on prétend ici que la laïcité est, sinon la seule, du moins une arme de premier rang contre cette idéologie. Car elle seule garantit au mieux les libertés générales sous la protection première des lois communes démocratiquement élaborées et choisies.
Contrairement à ce que tant de contrefaçons font d'elle, elle est un outil d'émancipation collectif et individuel contre toutes les tyrannies. L'outil de l'unification du droit protégeant la citoyenneté contre les tyrannies morales, religieuses ou non, qui ont toujours visé et visent encore la domination complète de nos sociétés. L'arme de ceux qui veulent se ressembler en dépit de leurs différences contre ceux qui somment autrui de se rassembler en de sacro-saintes "identités" plus factices et plus funèbres les unes que les autres.
Car nos ennemis sont forts avant tout de nos faiblesses.
Il est donc plus urgent que jamais que nos gouvernements et nos politiques réhabilitent l'usage de la laïcité sans plus de faux-semblants ni de ces faux-fuyants derrière lesquels ils comptent attendre en somnanbules des temps meilleurs. A droite en choisissant une fois pour toute entre la laïcité et le petit commerce des armes et du pétrole. A gauche une fois pour toutes entre la laïcité et le petit commerce des voix.
Le commerce est parfois une fort bonne chose. Mais ce n'est pas à lui qu'il appartient de régler les relations entre les hommes.
Nous pourrions sans doute nous satisfaire quelque temps encore de préférer nos caisses enregistreuses à nos principes. Et de continuer à marcher en dormant.
Mais jusqu'à quand ?

Yves Scheller       18.8.2017



Attentat de Manchester Arena : et si on parlait vrai ?

Le temps que l’émotion retombe, bien des médias sont à l’affût du moindre détail, parfois insignifiant, pour saturer l’info en continu et surtout ne rien dire.
Dernière trouvaille : le kamikaze libyen de Manchester Arena, Salman Abedi, aurait agi par «vengeance»[1], dit-on. Une autre manière, pour ces faiseurs d’opinion d’expliquer, pour ne pas dire de justifier, un geste abominable. Pis, entre les lignes, on est invité à considérer le terroriste comme étant une victime du ressentiment. Et ses victimes, comme étant ses bourreaux par similarité à d’autres. Le kamikaze n’aurait fait que se venger, par frustration, par injustice, au nom «d’un ami poignardé», disent certains, au nom des enfants palestiniens et syriens bombardés, disent d’autres. Il s’agit là d’un même schéma de fuite en arrière, visant à ne toujours pas nommer le mal et à justifier la terreur islamiste par le passionnel.
Pour se consoler, titre Le Point, Manchester trouve « du réconfort dans son patrimoine musical ». Dansons sur les cadavres, diraient les mauvaises langues. Chantons avec The Smiths «There is a light that nerver goes out» : «[il y a] une lumière [qui] ne s’éteint jamais»[2], même si le Cosmos dément cette affirmation joliment poétique. Car bien des étoiles, longtemps lumineuses et brillantes, se sont éteintes définitivement et sont absorbées par de géants trous noirs.
A l’échelle des humains et de leurs organisations sociétales, surtout en Occident, il paraît plus facile désormais d’éteindre les Lumières que de chasser l’obscurantisme. L’Angleterre en sait quelque chose !
Et si on parlait vrai ? Car bien des informations capitales, ô combien dérangeantes, sont volontairement tues. Une certaine bienpensance médiatique semble avoir éteint définitivement ses phares, et préfère reculer, éclairée par ses seuls feux de marche arrière. Une façon d’aller à contresens du courage, de l’honnêteté et de la vérité. Si par lâcheté intellectuelle, on devait considérer Salman Abedi comme étant une «victime», il n’est certainement pas la «victime» de ses victimes : ces dizaines de morts et de blessés innocents, enfants, jeunes adultes et parents. Il serait la victime de ses propres idées et surtout de son entourage jihadiste le plus immédiat : en l’occurrence, son père géniteur et son père idéologique : tous les deux frères musulmans jihadistes !
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1- Salman Abedi, le fils de son père :
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D’abord, le kamikaze est le fils légitime du jihadiste Ramadan Abedi, alias Abou al-Qassim. Le père fut membre des forces de sécurité du régime de Mouammar Kadhafi, avant de déserter son poste au début des années 1990, pour rejoindre la branche de Tripoli du GICL[3] (Groupe islamique combattant en Libye), proche d’Al-Qaïda, qui tentait de renverser par la violence jihadiste le régime libyen[4]. Ses frères ont été capturés. Lui a réussi à s’enfuir avec sa famille pour s’installer à Manchester. Son nom apparaît sur la liste noire des personnes classées «terroristes» par le régime de Kadhafi[5]. Après le déclenchement de la rébellion libyenne, le 17 février 2011, ce fameux «jeudi de la colère», Ramadan Abedi avait rejoint les groupes jihadistes pour combattre à nouveau les forces du régime dans les montagnes libyennes[6]. Des informations, à confirmer, pointent de possibles connexions entre, d’un côté, Ramadan Abedi et ses frères jihadistes libyens, et de l’autre côté, les services de renseignements britanniques : MI6 (Military Intelligence section 6).
Par ailleurs, suite à l’attentat de Manchester Aréna, le gouvernement provisoire libyen -- l’un des trois gouvernements en exercice après la chute de Kadhafi[7] -- avait publié un communiqué condamnant l’attentat et rappelant aux britanniques leur « responsabilité » d’avoir soutenu, par le passé, le GICL jihadiste et d’avoir laissé prospérer, au sein de la jeunesse britannique et européenne, l’idéologie extrémiste mortifère des Frères musulmans[8].
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2- Mustafa Graf, l’imam jihadiste :
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Toutefois, en plus de l’exemple donné par le jihadisme de son père légitime, c’est au sein même de Manchester que le kamikaze a reçu un endoctrinement idéologique jihadiste, théorique et pratique, par l’exemple aussi, de la part, cette fois-ci, d’un autre frère musulman libyen, Mustafa Abdullah Khalifa Graf, de son nom complet, qui n’est autre que l’imam de la mosquée de Didsbury : l’un des fiefs des Frères musulmans à Manchester. Mustafa Graf est aussi libyen. Il est membre de l’UISM (Union internationale des savants musulmans), présidée par l’islamiste égypto-qatari : Youssef al-Qaradawi[9].
Dans une vidéo en arabe[10] -- visiblement pas très exploitée pour l’instant : moins de 190 vues depuis 2012 ! -- Mustafa Graf, natif en 1970, explique comment il a quitté la Libye en 1991, pour aller en Arabie Saoudite, puis au Pakistan, puis vers d’autres destinations dont il n’a pas précisé les noms (!), et rejoindre enfin Manchester, dès 1993. S’agirait-il d’un parcours d’initiation au salafisme et au jihadisme dans des camps d’entraînement ? La question mérite d’être posée.
Passant des détails relatifs à l’époque dite de réconciliation entre le régime de Kadhafi et les islamistes, dans les années 2000 -- lorsqu’un processus de «déradicalisation» fut tenté par les services de Kadhafi -- l’actuel imam du centre MICDM (Manchester Islamic Centre and Didsbury Mosque)[11] a expliqué, tranquillement, comment après le 17 février 2011, il s’est réuni avec des frères de Manchester, dont de nombreux médecins et cadres, pour réfléchir à la façon d’aider la rébellion jihadiste. Ils ont collecté une bonne somme d’argent et ont décidé d’équiper la rébellion de moyens de télécommunication. Mustafa Graf décida alors de rejoindre le front jihadiste, situé au niveau de la ville de Zaouïa, à moins de 130 km de la frontière avec la Tunisie.
L’imam explique avoir transité, le 25 février 2011, par l’aéroport de Tunis, muni d’un passeport britannique, transportant dans ses bagages les appareils de télécommunication. Il fut rejoint par ses frères libyens à Djerba en Tunisie. Ceux-là ont dissimulé ces appareils dans une voiture et sont rentrés dans le territoire libyen par le poste de Rasigdir, séparément, pour éviter tout soupçon. Il dit avoir servi la rébellion jihadiste dans ce fief jusqu’à la mort de leur commandant, l’ex-général de l’armée libyenne Hussein Darbouk, tué par les forces de Kadhafi en mars 2011[12]. La ville de Zaouïa étant à l’occasion reprise par les forces de Kadhafi, l’imam jihadiste dit l’avoir quitté, avec d’autres troupes, pour s’installer dans des fermes aux alentours. Dans un autre enregistrement vidéo de la chaîne qatarie al-Jazeera, on l’aperçoit en tenue militaire sur le terrain des combats[13]. Lui et d’autres combattants ont décidé de quitter la Libye et de rejoindre la Tunisie. Le 16 mars 2011, il fut capturé à la frontière de Rasigdir et écroué à la prison d’Aïn Zara, durant trois mois, où il dit avoir été torturé. Dans deux autres vidéos, en arabe, il a montré sa cellule de prison[14] avec un brin de fierté !
Dès son retour à Manchester, il a repris sa fonction d’imam à la mosquée de Didsbury, là où le kamikaze et sa famille avaient leurs habitudes et leurs fonctions aussi. Il est à noter que la version de son départ vers la Libye, qu’il a expliqué en arabe dans la vidéo susmentionnée, n’est pas tout à fait la même que celle communiquée, à son atterrissage à Manchester le 9 octobre 2011, au journal anglais Manchester Evening News[15]. L’imam Mustafa Graf expliqua à ce journal qu’il «était allé en Libye en février pour rendre visite aux membres de sa famille»[16], et non pas pour livrer l’aide logistique aux jihadistes. Quant à la cause de son arrestation, sa version diverge aussi. Au journal, il a donné une autre raison et dit avoir été capturé parce qu’il tentait de «sortir sa maman, Ruqia, âgée de 80 ans, du territoire libyen»[17]. Ça passe mieux comme ça. Comme quoi, la même excursion jihadiste, certainement au vu et au su des services britanniques, mais deux versions différentes, selon le destinataire : un classique du double-discours. Son nom apparaît lui aussi sur la liste noire des personnes classées «terroristes» par le régime de Kadhafi[18] !
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3- La mosquée de Didsbury, un fief frérosalafiste :
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A son retour, à la mosquée de Didsbury, il a continué à prêcher, mélangeant politique et religion, comme si de rien n’était, en évoquant souvent le conflit libyen[19] selon le prisme frérosalafiste. Son activisme en faveur de cette cause l’emmena à créer des collectifs de soutien aux victimes de la torture, aux prisonniers jihadistes, ainsi qu’aux dix cadres frères musulmans, arrêtés en août 2014, par les autorités des Emirats-Arabes-Unis, au motif qu’ils finançaient le terrorisme islamiste[20]. Il lança des appels à manifester pour soutenir ses frères jihadistes, depuis Manchester. Le 5 mai 2015, il lança un appel à manifester «pour contester les actions de l’émissaire de l’ONU en Libye et pour soutenir les rebelles aux fronts»[21]. Il a multiplié les apparitions médiatiques en marge de son activisme pro-frériste[22]-[23].
En septembre 2015, il organisa une manifestation devant l’Ambassade des Emirats-Arabes-Unis à Londres, en soutien aux frères musulmans emprisonnés par l’EAU, et pour dénoncer le supposé rôle de ce pays dans le conflit libyen. Quant à l’ingérence qatarie effective et ostentatoire, elle ne semble pas le déranger pour autant. Dans l’une de ces manifestations, un jeune homme, portant un T-shirt rouge, ressemblant à tout point au Kamikaze Salman Abedi, tenait un panneau avec des photos des frères musulmans emprisonnés par Abou Dhabi !
Naturellement, suite à l’attentat du lundi dernier, il a publié un post pour condamner l’attentat et pour dire, avec une hypocrisie qui crève les yeux, je cite : «All those responsible for senselessly destroying the lives of innocent people do not deserve to live in our community and should be behind bars»[24]. On peut se demander légitimement si lui-même ne devait pas être, au moins, derrière les barreaux. N’est-il pas responsable de la radicalisation islamiste de Salman Abedi ? N’a-t-il pas avoué avoir financé les jihadistes et combattu à leurs côtés ? N’a-t-il pas reçu et tendu le microphone de sa mosquée, à plusieurs reprises, aux prédicateurs frérosalafistes internationaux[25], y compris aux plus extrémistes parmi eux, comme le jihadiste saoudien Saad Labrik[26], très connu pour ses appels au jihad armé, à l’adresse des jeunes[27].
Les responsables de la mosquée de Didsbury, en la présence de l’imam jihadiste, avaient eux-aussi organisé une conférence de presse, certes pour condamner l’attentat, comme le veut la tradition des fréristes partout, mais surtout pour tenter d’inverser l’ordre des choses, se plaçant en victimes, en évoquant ladite « islamophobie » et aussi pour innocenter cette structure idéologique frérosalafiste de tout soupçon jihadiste. Étrangement, le président de ce centre islamique, Fawzi Haffar, avait refusé d’entrée de jeu, de répondre aux questions des journalistes[28]. Avait-il quelque chose à se reprocher ? Certainement.
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4- Démanteler la nébuleuse de la mort :
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La bienpensance médiatique, aux manettes de la fabrique de l’opinion, ferait mieux d’examiner tous ces éléments factuels et vérifiables à la source. Choisir un angle passionnel pour camoufler des vérités qui dérangent, alors que des victimes innocentes ont été lâchement assassinées, n’est pas à la hauteur de la situation dans laquelle sombre le monde, petit-à-petit. Oui, l’idéologie des Frères musulmans, depuis le début, produit des violences jihadistes. Le jihadisme est le fils légitime des Frères musulmans. Déjà en 2014/2015, la question de l’aspect extrémiste et violent des Frères musulmans était sujette à surveillance en Grande-Bretagne. Un rapport avait défrayé la chronique à ce moment et avait gêné le gouvernement de David Cameron[29]. Ce dernier avait déclaré, en décembre 2015, devant le Parlement britannique, je cite : «Both as an ideology and as a network it has been a rite of passage for some individuals and groups who have gone on to engage in violence and terrorism»[30]. Ce qui pourrait être traduit ainsi : «Tant l’idéologie que le réseau, la confrérie des Frères musulmans est un rite de passage, pour certains individus et groupes, pour s’engager ensuite sur la voie de la violence et du terrorisme» !
L’attentat commis par le réseau frériste, en trame de fond derrière le kamikaze Salman Abedi, pourrait convaincre, enfin, les britanniques à prendre des mesures efficaces contre cette nébuleuse idéologique. La revendication de l'État Islamique ne changera rien, tant le lien direct de parenté entre les Frères musulmans et l'État Islamique demeure solide. Le risque de voir d’autres frères passés à l’acte n’est pas à écarter. Car le logiciel violent est déjà installé dans bien des têtes jeunes. L’expérience égyptienne récente, depuis la chute de Morsi, le montre à celui qui en doute encore[31].
Quant à la France, elle peut continuer à refuser de voir cette réalité en face. Ne pas prendre des mesures nécessaires maintenant, pour protéger les enfants et la jeunesse, est la garantie même d’un lendemain en larmes et en sang : leçon d’histoire. La première mesure est d’abord de cesser le déni et d’engager un audit franc, désintéressé et sans détour de la situation. En même temps, il serait souhaitable d’instaurer, sans tarder, au moins une sorte de «moratoire» sur le financement public de certaines activités et projets menés par les Frères musulmans sur le sol français (associations, enseignement privé, …). D’autres mesures sont à imaginer et à mettre en œuvre au plus tôt. Tout retard, par intérêt clientéliste politicien, ou par impuissance induite par la subordination aux alliés qataris de la mouvance, coûtera très cher au faire-société ensemble et à la paix dans notre pays et ailleurs.
Pour le fin mot de cette histoire, je dirais que le jeune Salman Abedi n’a pas agi par vengeance. Dans son cas, son jihadisme, nourri et entretenu depuis le berceau, par l’idéologie frérosalafiste, est sans appel. L’on pourrait craindre que la débâcle politique des Frères musulmans en Libye ne pousse leurs frères à retourner leurs armes et explosifs contre le pays hôte qui les soutient depuis tant d’années. Un peu comme cette langue histoire entre Al-Qaïda -- autre émanation des Frères musulmans -- et les USA, depuis l’invasion soviétique de l’Afghanistan.
L’obscurantisme n’est pas une option d’avenir

Mohamed Louisi         26.5.2017

Notes et références :

[8]- Lire ici :  http://lytgov.com/
[10]- Voir et télécharger ici avant disparition : https://www.youtube.com/watch?v=lNx3jK_iHWs
[13]- Voir ici à partir de la 3’03’’ : https://www.youtube.com/watch?v=3yhNDljDNEc
[15]- Voir la vidéo de son atterrissage à l’aéroport ici : https://www.youtube.com/watch?v=A5ak3XRMGKU
[17]- Idem.
[21]- Voir la vidéo de la manifestation ici : https://www.youtube.com/watch?v=CkcaJ0mWqis
[25]- Voir ici la chaîne Youtube de cette mosquée et quelques-uns parmi ses invités : https://www.youtube.com/user/DidsburyMosqueUK
[26]- Voir ici à partir de 1’04’’ : https://www.youtube.com/watch?v=XEzbguFg6NI
[28]- Voir ici à partir de 11’48’’ : https://www.youtube.com/watch?v=fxVqyVM0ddE
PS (27/05/2017) : La dernière image est rajoutée aujourd'hui. Elle montre un aspect de la littérature prosélyte recommandée par la mosquée de Didsbury à tout âge. Notamment ce film produit par "La vérité dominera" sur la présence de Mohammed dans les écrits bibliques. Le film-doc va au-delà et pourrait inciter à la haine du juif et du chrétien. Voici le lien vers ce film-doc très révélateur : https://archive.org/…/The_Absolute_Truth_About_Muhammad_in_…



Panislamisme

Il est fréquent d'entendre dire que le réveil de l'islam, dans une forme agressive et très occidentale, a été provoqué par  l'invasion soviétique de l'Afghanistan, en 1979.
Ce conflit a, en effet, vu la naissance de groupes salafistes très virulent, comme Al-Qaïda, ainsi que, dans sa période post-soviétique de groupes comme celui des Talibans, d'abord en Afghanistan, ensuite au Pakistan. Ces groupes se sont donnés pour objectifs de réunir toutes les bonnes volontés des musulmans sunnites de par le monde afin de réaliser une action concertée contre ce que ces groupes considéraient comme des empiétements occidentaux dans la sphère territoriale et culturelle islamique. Et l'on qualifie souvent cette réaction violente du nom de panislamisme.

Or, le « panislamisme », dans sa forme moderne, c'est-à-dire dans sa forme postérieure à la disparition de la domination musulmane sur l'Inde, l'Asie centrale et la péninsule balkanique, est bien plus ancien que la Guerre d’Afghanistan (1979-1989). Ses principaux penseurs furent Mohammed Abduh (Egypte, 1849 – 1905) et Djemal ad-Dîn el- Afghani (Perse, 1838 – 1897). Ce courant se développe parmi les cercles dirigeants de l’empire ottoman au XIXe siècle (avant d’être concurrencé par le pantouranisme), mais se retrouve aussi dans d’autres mouvements politiques, en Egypte, en Iran, dans l’Inde britannique, au Soudan, …etc
Pendant la révolte des cipayes (1857-9), dans l’Inde de la East India Company, groupes armés sunnites et chiites collaboreront pour lutter contre les Britanniques.

Pour un panorama complet des diverses tendances réformatrices de l’islam des deux derniers siècles, pour se rendre compte de l'effervescence intellectuelle dans les élites islamiques, on peut lire:  Changer l’islam Dictionnaire des réformateurs musulmans des origines à nos jours,  Malek Chebel, 2013.

La tendance au panislamisme peut être regardée comme naturelle en islam: jamais le Prophète n’aurait imaginé une communauté divisée, et cette idée sous-tend la doctrine d’État des califats ommeyyade et abbasside durant les premiers siècles.
La politique contemporaine des USA (soutient inconditionnel à Israël, blocus et invasion de l'Irak, soutient à la destruction de la Syrie) n’a donc fait que jeter de l’huile sur des braises qui ne demandaient qu’à se raviver. Et qui y seraient probablement parvenu même sans aide extérieure.

C’est une des formes de l’occidentalo-centrisme que de refuser à l’Orient la capacité d’ auto-générer les idéologies dont ce même Orient pense avoir besoin.

Au final, qu'est-ce que le panislamisme? Je décrirais le panislamisme comme le désir de voir les musulmans s’unir contre l’emprise, sur le monde de l’islam (ce qui inclut ses minorités), de forces extérieures à ce monde; au XIXe siècle, l’Occident impérialiste de la Révolution industrielle ; au Xe siècle, les Turcs seldjoukides venus d'Asie centrale ; au XIIe siècle, les Croisés de Palestine ; au XIIIe siècle, les Mongols,chamanistes ou bouddhistes...  Ce désir, au XIXe siècle, cas rare, faisait passer par-dessus les vieilles divergences entre chiites et sunnites, ce qui était le signe d’une réelle volonté de renouveau. Le monde musulman, depuis, sur ce point, est retombé dans ses vieilles ornières.

Bernard Antoine Rouffaer                     30.1.2017


Terrorisme et violences politiques... Rien ne changera en 2017 !

Le 11 septembre 2001, le monde a subit l'électrochoc de l'horreur. Les attaques des deux tours jumelles à New York ont été une très douloureuse piqûre de rappel et de remise en question, en particulier pour l’Occident. Une sanglante invitation à revoir nos liens avec des régimes totalitaires et moyenâgeux tels que l'Arabie Saoudite ou encore le Qatar qui financent la haine et le dogme religieux. De revoir aussi notre géopolitique des hydrocarbures.
Pourtant, depuis rien n'a été fait. Aucun spécialiste ne voit le bout du tunnel de la violence politique. Pour le français Bernard Squarcini, ex-patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), on est sur un danger imminent qui va persister. Certes, le degré sécuritaire s'est élevé un peu partout. Il ne cessera de le faire. Son prix est astronomique pour l'économie et pour la collectivité.

Notons que la Suisse ne dispose toujours pas d'un plan de mobilisation éprouvé tel que Vigipirate. Et même ce dernier peinera à retenir les quelques 8250 individus radicalisés repérés dans l'Hexagone, selon Le Figaro.
L'incroyable est arrivé, le pire reste à venir. L'organisation criminelle Daech n'est pas encore éradiquée que l'on se demande avec effroi que vont devenir ces milliers de jeunes irakiens, syriens ou libyens sous le joug des écoles du terrorisme.
La problématique des violences politiques au nom d'un certain islam est complexe et diffuse. Elle ne peut s'appréhender que sur plusieurs plans, à la fois. Son combat doit être pluridisciplinaire. L’effort doit se produire tant dans le temps que dans l’espace. Cela doit devenir une réelle priorité nationale. Nous n'avons pas affaire à un combat pour une idéologie mais à des assassinats de masse crapuleux. Ils servent des intérêts particuliers. Terrible, ils ont, à présent, généré des métastases.

Notre monde occidental de consommateurs orientés et auto-référents a des pieds d’argile. On ne le dira jamais assez. Le terrorisme n’est autre qu’une industrie du crime. Trop en vivent confortablement. Les motivations de ses mandants sont toujours l'argent et le pouvoir.

Arrêtons d’être complices d’une politique internationale messianique qui juge unilatéralement quels sont les pouvoirs à soutenir ou non. Cette ingérence crasse est détestable. Elle est même insupportable quand elle vient à armer et à financer les groupes criminels les plus barbares. Par ailleurs, nous gagnerions en sérénité à sortir de l’économie sanglante du pétrole.
Sur le plan de l’éducation, il est grand temps de favoriser le débat et l’instruction publique. Inciter nos médias à faire autre chose que la fabrication d’une réalité. De décider à notre place de ce qui est blanc et de ce qui est noir. Alors que les choses sont le plus souvent grises.

François Meylan                  10.2.2017


Xavier Harel: une vision très helvétique des ressources ayant permis l'effort de guerre du troisième Reich

Il arrive aux amateurs d'histoire de se pencher sur le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est ce qu'a fait, récemment, Xavier Harel.  Il est à l'origine d'un documentaire, intitulé "La Suisse coffre-fort d'Hitler", consacré au rôle de la Banque nationale suisse (BNS) pendant cette période, et diffusé par la Radio Télévision Suisse, sur sa deuxième chaine, le 25 septembre 2016, dans le cadre  de l'émission "Histoire vivante".

Et c'est un documentaire plutôt médiocre... Son auteur cherche à démontrer que la BNS, et donc la Suisse, serait à l'origine de l'efficacité de la machine de guerre nazie en ayant fourni à son économie les moyens de sa productivité et de son efficacité. Ce que ce documentaire insinue, c'est que la Confédération helvétique serait, au moins partiellement, responsable d'événements aussi graves que la poursuite de la guerre contre l'URSS, l'occupation de l'Italie, la guerre sous-marine dans l'Atlantique et, plus généralement, de la continuation de la guerre en 1944 et 1945. Ce sont là, avouons-le, de beaux objectifs que se fixent nos historiens.

Trop ambitieux, certainement. Car ce documentaire de  ... regorge d'erreurs, d'approximations, d'incompétence. Examinons-le.
La BNS aurait accepté de l'Allemagne 345 tonnes d'or volé par les nazis dans les coffres des banques centrales des pays occupés. C'est certainement une mauvaise action, mais cela  ne constitue pas une somme suffisante pour alimenter la machine productive du Reich... 345 tonnes d'or pendant toute la guerre: c'est-à-dire juste de quoi payer les roulements à bille suédois, le tabac turc ou le tungstène portugais. Soit le commerce résiduel que le Reich maintenait, au travers du blocus naval britannique, avec les quelques pays neutres de son pourtour. L'or, dans le système économique de l'avant-guerre, servait à consolider le système du papier-monnaie. On ne l'utilisait pas pour les payements courants, et la quantité d'or détenue par une banque centrale ne couvrait absolument pas la somme totale des billets de banque en circulation.

L'effort de guerre allemand a reposé sur l'économie du Reich et des territoires occupés. C'est-à-dire sur les millions d'ouvriers, d'agriculteurs, d'employés et de détenus insérés dans une machine économique représentant plus de 20% du PIB mondial. Et ce sont les impôts payés par les citoyens allemands, et , par les réquisitions et versements obligatoires imposés par le vainqueur, les impôts des citoyens des pays occupés, qui ont financé cet effort. Impôts en nature, impôt en sang, impôts en argent, confiscations, prélevés sur plus de 200 millions d'être humains, sont à l'origine des productions de guerre du Reich. Les familles allemandes donnaient leurs fils pour l'armée, les mines allemandes donnaient leur charbon pour fournir l'énergie nécessaire, les aciéries allemandes coulaient les pièces des chars et des canons, ... et toutes les industries, les champs et les mines des pays occupés travaillaient dans le même but, de gré ou de force.

La masse de la production de guerre du Reich, ce sont les confiscations, ou les impôts, ou, pour les relations commerciales avec des pays alliés (Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Espagne, Croatie, ...), les accords de clearing (forme de troc). Un exemple: la livraison de matériel de guerre, ou de biens d'équipement, par l'Allemagne, à la Roumanie, en échange de pétrole, ou à l'Espagne, en échange de tungstène. Quant à la France, elle devait livrer des quantités de produits agricoles, dont du vin, des véhicules, et payer sa propre occupation par l'armée allemande, qui allégeait d'autant le poids économique pour l'Allemagne.

Mais les territoires de l'Allemagne, de ses alliés et des pays occupés ne parvenaient pas à fournir la totalité des éléments nécessaires à cette machine productive. C'est là que le commerce résiduel dont je parlais jouait son rôle. Quelques voisins, cousins politiques, ou alliés d'occasion, s'y livraient. Ils pouvaient demander des payements en devises étrangères sûres, comme le franc suisse. Berlin avait besoin de lingots d'or pour commercer avec des pays (Suède, Portugal, Turquie, Suisse) peux rassurés, ou pas toujours intéressés, par la valeur des autres actifs de contrepartie allemands (livraison de matériel civil ou militaire, Reichsmarks, matières premières).
Mais pour tous les autres, Berlin n'avait pas besoin d'or ou de devises sûres ($, £, monnaie suédoise, ...). Il suffisait de conclure des accords de clearing (les premiers ont été passés avec des pays comme la Hongrie: blés hongrois contre machines allemandes dans les années 30). Et, dans nombre de cas, encore une fois, Berlin n'avait même pas besoin de payer... (France, Hollande, Ukraine, Yougoslavie, Danemark, Norvège, ...).

Il faut se souvenir, quand on parle du commerce international du IIIe Reich, que les régimes politiques portugais, espagnols, roumains, grecs, hongrois, à l'époque, appartenaient à la famille des régimes d'extrême-droite, ou de droite dure. Ils étaient directement intéressés au succès de la lutte de l'Allemagne nazie contre les démocraties de l'Ouest et, surtout, la Russie soviétique. Si l'Allemagne n'avait pas pu payer à l'aide d'or ou de francs suisses, on se serait arrangé autrement. Et c'est ce qui c'est souvent passé, d'ailleurs: l'aviation espagnole volait sur des avions HE-111 et ME-109, et l'armée turque roulait sur des chars Panzer-IV...

Prenons le cas suédois. Voilà un régime démocratique, comme l'helvétique, fort peu intéressé par une victoire des forces de droite extrême en Europe. N'est-elle pas coupable d'avoir vendu son minerai de fer et ses roulements à billes à l'Allemagne nazie ? Mais à qui la Suède aurait-elle pu vendre son acier et ses roulements à billes une fois les Allemands installés en Norvège et alliés de la Finlande? La question de la contrepartie était devenu secondaire. Et il y a un autre facteur à prendre en compte, plus pesant pour Stockholm que les affaires . L'ennemi héréditaire du royaume de Suède, depuis 1700, dans l'espace baltique et dans le cercle polaire, n'était pas l'Allemagne, mais bien la Russie. Cette Russie, devenue soviétique, qui menaçait depuis si longtemps le petit voisin finlandais. La Suède craignait autant que la Suisse l'invasion, mais elle avait deux peurs: les Nazis, les Russes. En 1944, la tension entre Moscou et Stockholm avait atteint son maximum avec les progrès de l'offensive russe contre la Finlande.

Pour en revenir au documentaire, il est farci d'approximations ou d'extravagances: un moteur d'avion qui atteint « 6000° », le franc suisse seule devise utilisable pour le commerce extérieur de l'Allemagne, Ziegler: "Le Reich n'aurait pas survécu en 1943-44..." sans la Suisse. Si l'Allemagne n'a plus pu importer les minerais rares qui lui manquaient, ce n'est pas par manque de numéraire, mais parce que l'avance des armées russes à l'Est et anglo-américaines à l'Ouest avaient rompu les voies d'approvisionnement avec les Balkans ou la péninsule ibérique. L'affirmation de Ziegler est donc ridicule. Bien adaptée au milieu politique genevois à qui il s'adresse, inférieur au regard des connaissances historiques.
Ce documentaire est un travail d'amateur. En fait, son auteur ne connaît pas les questions d'économie de guerre, celles relevant des productions d'armement, ni les liens diplomatiques et politiques dans l'Europe de l'époque. L'importance accordée à la Suisse est démesurée et le jugement porté sur elle excessivement dur.

Bernard Antoine Rouffaer                  5.10.2016

PS :
En guise de prélude aisé à une recherche plus massive dans les bibliothèques universitaires, je conseil à mes lecteurs de jeter un œil sur la page Wikipédia consacrée à l'économie de guerre allemande pendant la seconde guerre mondiale, spécialement les sections intitulées "Les accords de compensation" ("Le système que l'Allemagne met en place pour faire face à la situation a été qualifié d'autarcie impérialiste4, c'est-à-dire une sorte de troc entre pays connu sous le nom de « compensation » et inauguré par l'Allemagne avant la guerre avec l'Europe centrale et des pays comme la Bulgarie dont l'économie est ainsi liée à celle de l'Allemagne."), "Pillage et exploitation à l'Ouest" ("La France est le premier fournisseur du Reich. En mars 1944, elle a déjà fourni pour près de 35 milliards de Reichsmark, dont 80 % au titre des frais d'occupation et le reste dans le cadre du clearing. Ceci représente 40 % de la totalité des liquidités en provenance des pays et territoires occupés8. En 1943, en France, 50 % du trafic ferroviaire, 80 % de la sidérurgie, 100 % de l'automobile et de l'aéronautique, l'essentiel du BTP étaient au service exclusif de l'effort de guerre hitlérien (construction du Mur de l'Atlantique)9.") et "Pillage, extermination et colonisation à l'Est" ("En URSS, à partir de juin 1941, l'invasion s'accompagne du pillage des ressources laissées par les Soviétiques. Des Wirtschaftskommandos accompagnent l'armée pour exploiter au mieux les nouveaux territoires conquis. Six cent mille hectares sont expropriés et transférés à la SS, en vue de futures implantations allemandes.") https://fr.wikipedia.org/wiki/Europe_sous_domination_nazie




« Guerre de religion »


Il est évident pour moi que la lutte que mènent Daech, et presque tous les groupes salafistes armés, est une « guerre de religion ». Libre à nous, Occidentaux, d’accepter de nous en rendre compte ou non. Pour les idéologues de l’islam – et pas seulement ceux de l’islam radical contemporain… – la religion du Prophète est la seule parfaite , tous les autres systèmes lui sont inférieurs et, en cas d’opposition, ennemis.
Daech est l’ennemi du baathisme laïc arabe, du nassérisme nationaliste, du communisme matérialiste, du libéralisme marchand, du catholicisme et de l’orthodoxie, du bouddhisme, de l’hindouisme, de l’hédonisme, du multi-culturalisme, … Et, bien évidemment aussi, du système républicain social-humaniste français actuel. Le salafisme – et donc les salafs… – a généré un système agressif, obsédé par l’exercice du pouvoir, qui vit de la guerre, comme les anciens califats ommeyyades, abbassides ou ottomans. Ce qui rend désespérément indispensable une réforme de la doctrine islamique conduisant à une purge de ses éléments belligènes. La prospérité des communautés musulmanes, en dehors des territoires traditionnellement musulmans, est à ce prix. Et nous n'avons qu'une vingtaine d'années seulement pour réussir cette réforme.      
Au sujet du terme "guerre de religion" qui, dans le cauchemar des dirigeants européens doit ressembler à une ruée meurtrière de tous contre tous, il me semble utile d'apporter une mise au point.
Le processus de Réforme de l’Église, en Allemagne, en Suisse, en France, au XVIe siècle, fut un processus lent, mené par de petites minorités agissantes, opposées à d'autres petites minorités agissantes. Prédicateurs protestants, bourgeois réformateurs ou cupides, aristocrates ambitieux, moines détachés de leur ordre, étudiants batailleurs s'opposaient à d'autres théologiens, moines, abbés, étudiants, bourgeois et aristocrates attachés à l'ancien ordre des choses. Dans nombre de villes allemandes, le processus donna lieu à des troubles, sans que l'on puisse observer de grandes effusions de sang. Dans les cantons suisses, ce sont souvent les autorités qui décidèrent de suivre le courant en "réformant", dans l'ordre et la mesure. En Angleterre, c'est le roi qui prit l'initiative, là aussi dans une stricte discipline.
Si l'apparition du calvinisme donna lieu aux "guerres de religion" dans le royaume de France, c'est parce qu'une notable partie de la noblesse, porteuse d'armes traditionnelle de la nation et réceptrice naturelle du pouvoir politique, adopta la nouvelle foi. Comme de coutume, la querelle devint rapidement un affrontement armé, comme la querelle entre Armagnacs et Bourguignons, ou la Fronde. Donc, une période de "guerre de religion" n'implique pas nécessairement une phase de chaos sanglant. Le jeu des intérêts politiques, économiques, de classe, culturels, continue, mais avec de nouvelles données.
Les salafistes armés mènent contre nous une guerre qui, pour eux, est à fondement religieux. Les ordres politiques européens sont, à leurs yeux, impies ou polythéistes. Comme l'étaient, aux yeux de leurs ancêtres, à des degrés divers, les ordres politiques francs, byzantins, iraniens, hindous ou subsahariens. Ce type d'agression, à base militaire et culturelle, est, pour l'Europe, une vieille chose, à laquelle nos ancêtres étaient habitués. Et ils ont parfaitement su y faire face. Avec toute l'aide de la science et de la technique, avec le recul historique, nous devrions donc y arriver aussi.

Bernard Antoine Rouffaer              26 et 30.7.2016



Quel avenir politique pour les Kurdes ?


Depuis 1919, tous les arrangements politiques entre États régionaux, au Moyen-Orient, se sont conclu au détriment des Kurdes. Payant au prix fort leur lenteur dans l'affirmation de leur spécificité ethnique et politique, les tribus kurdes se sont vues partagées entre les grands centres de pouvoir régionaux qu'ont toujours été Istanbul, Damas, Bagdad et Téhéran.
Alors que la lutte contre l’État Islamique entre enfin dans une phase plus active, que l'armée de Bagdad remonte lentement vers le nord, que celle de Damas reconquiert l'oasis de Palmyre et que l'Iran renoue des liens avec les États-Unis, quel sort sera celui réservé aux populations kurdes et à leurs organisations politiques ? Vont elles, à nouveau, tel d'éternels damnés de l'Histoire, se voir écartelés et lotis entre puissances régionales ?

Je pense qu'il est trop tard pour qu'un tel scénario puisse se répéter. Depuis les années 60-70, l'armée irakienne, pourtant alors au mieux de sa forme, a testé la résistance des milices kurdes dans leurs montagnes. Maintenant que les Kurdes d'Irak ont, depuis quelques années, une région autonome reconnue, une armée correcte, et que l'armée irakienne officielle est tout juste capable de défendre Bagdad, on ne reverra plus les grandes offensives lancées contre eux par le parti baath. Ce ne sont pas les milices chiites irakiennes, qui ne se battent vraiment bien qu'en pays chiite, qui iront mourir pour une unification illusoire du pays. En Syrie, l'armée syrienne officielle ne s'usera pas à prendre Raqqa. C'est, je pense, ce qu'il faut déduire du retrait partiel des éléments aériens russes. Écraser cette grande ville sous les bombes pour ouvrir la voie à l'infanterie, méthode moscovite par excellence, nécessiterai de gros Su-24. Or ces derniers sont revenu se poser dans leurs nids, au pays.
L'EI. restera donc maître de la vallée de l'Euphrate, poursuivant sa politique terroriste contre les grands centres urbains européens. Donc les Kurdes demeurent indispensables. Ce ne sont pas, en Syrie, les milices sunnites hors-EI ou la Turquie - tenue en respect par la Moscou- qui y changeront quelque chose.

Tant que des bombes exploseront en Europe, posées par des militants de l’État Islamique, les Kurdes resteront une pièce majeure de l'échiquier syrien. Et le monde s'accoutume à les voir jouer un rôle politique officiel. Ceci ouvre la voie à une reconnaissance officielle de leurs aspirations étatiques.

Bernard Antoine Rouffaer              26.3.2016



Russie et Occident : frictions


Les points de friction entre Russie et l'Occident et leurs alliés se multiplient. D'une certaine manière, l’intérêt que la Russie "redevienne" une grande puissance n'est pas objectivement une bonne chose pour beaucoup d'autres pays, en premier lieu ses voisins immédiats.

L'idée d'un équilibre, du monde bi ou tripolaire n'a jamais évité de guerres. Au contraire, les points de friction ont toujours existé et ont été entretenu par les 2 protagonistes de l'époque de la Guerre Froide.

La Pax Americana, dans les années 90, fut aussi productrice de guerre, mais pas plus ou pas moins qu'un monde bipolaire. En gros pour les Occidentaux passer d'un monde unipolaire à bipolaire n'a strictement aucun avantage.
Un monde bipolaire  veut aussi dire que certains peuples n'auront aucun choix et qu'ils devront être la monnaie d'un échange qui les dépasse. Typiquement avec une Russie forte, l'Ukraine n'aurait jamais pu se rapprocher de l'Europe : "elle appartenait" à la Russie.
On dit que c'est la même chose avec les Américains...

Certainement, les pays occidentaux sont des "vassaux" plus ou moins obéissants de la puissance tutélaire américaine. Pour ma part, je préfère, quitte à choisir, être vassal à Paris, Madrid ou Stockholm plutôt qu'à Minsk, Sébastopol ou Grozny... Simplement, je me tourne vers celui qui me nourri(rait) le mieux.
Il y a, en effet, derrière ces positionnements stratégiques, une proposition sociétale.
Et honnêtement, je ne vois aucune proposition alléchante du côté russe ou chinois : des sociétés qui sont pires que les nôtres, plus pauvres et encore plus inégalitaires, où les minorités - dont le respect est la base d'un état "plus" libre - sont écrasées.
Sans parler d'un État russe dont le président est un chef mafieux au sens propre du terme....
Bref...

Le relativisme ambiant qui vise à voir la Russie comme chantre d'une liberté qu'on a perdu a déjà existé...
Ce fut le discours du Parti communiste français, des intellectuels de gauche et des enfants perdus de la droite, pendant toute la Guerre Froide. Hors personne n'a jamais sauté un mur en se faisant tirer dessus pour quitter la France, la Norvège ou l'Italie.  A contrario, beaucoup sont morts en essayant de le faire en partant des paradis socialistes. Victimes, certainement, de notre affreuse propagande.

Ne pas renier ses valeurs, c'est aussi parfois avoir le courage de voir qu'il y a pire ailleurs et cesser de croire que nous sommes les diables sur terre. Des diables tuant et égorgeant tout le monde pour asseoir notre appétit de richesse.
Au final, pour certains, soyez logiques...
Vivez dans les pays que vous admirez tant. Installez-vous dans ces pays que vous pensez être des "résistants", du Venezuela à l'Iran, en passant par la Chine, ou la Russie de Poutine...
A priori, vous serez les bienvenus.
En attendant, non, il n'y a aucun sens à laisser la Russie "redevenir" une puissance mondiale. Aucun.
Et tout doit être fait pour que cela n'arrive pas

15.2.16                Pierre Jean Duvivier



L'Allemagne et l'islamisme, un problème culturel    allemand ?


Les Allemands - il s'agit d'un problème historique et culturel - ont une attitude particulière vis-à-vis des problèmes du Moyen-Orient, du Sahel, de l'islam. Ce, depuis Luther. Leurs relations avec l'islam ont toujours été faibles, intermittentes, dépourvues de danger.

Alors que les Autrichiens ont dû faire face aux offensives militaires ottomanes dirigées contre Vienne, puis combattre pour repousser les Turcs au sud des Balkans, que les Polonais ont dû batailler plusieurs siècles pour protéger leur domaine ukrainien des entreprises esclavagistes des Turcs et de leurs alliés Tatars, que les Hongrois ont subi l'invasion et la ruineuse occupation ottomane, que les Italiens ont été littéralement assiégés, pendant des siècles, par la piraterie barbaresque, que la péninsule ibérique a été islamisée pendant huit siècles, que le monde grec a été mis à deux doigts de l'extinction culturelle par le joug turc, comme la Bulgarie, que les royaumes chrétiens du Caucase ont du lutter pour survivre face aux Abbassides, aux Seldjoukides, aux Safavides et aux Osmanlis, les relations de l'Allemagne avec le monde islamique se limitèrent longtemps à de fructueuses relations commerciales.

Pour ses élites politiques et industrielles, hier comme aujourd'hui, cette région est, avant tout, un marché commercial et une source de main d'oeuvre. N'ayant pas été confrontés directement, historiquement, au terrorisme, au jihad, au devchirmé, à la piraterie barbaresque, les Allemands, en majorité, sous-estiment les risques liés à l'islam et à la politique moyen-orientale. Ils tentent donc d'expliquer la crise terroriste actuelle à l'aide des clefs de lecture occidentales habituelles : crise financière, antagonismes sociaux, complot bancaire, contrôle des populations, ... etc

L'implication de l'Allemagne, à l'heure actuelle, dans la lutte contre les groupes islamistes armés, est faible, souvent réduite à du soutien logistique ou de la formation de recrues locales. Les Allemands évitent le feu. Le matériel de leur armée se trouve d'ailleurs en piteux état : avions et hélicoptères incapables de prendre l'air, manque général de pièces détachées, manque de criant mitrailleuses, de pistolets et de systèmes de vision nocturne dans les unités de combat... Sur les blogs consacrés à la défense, l'armée allemande est soumise à un feu roulant de remarques ironiques de la part des militaires des pays voisins.
Le peu que l'Allemagne consent à faire est déjà attaqué par les milieux intellectuels nationaux.
L'Allemagne, en tant que pays européen non-musulman et allié des USA, est pourtant menacée au même titre que les autres par les opérations terroristes.

La légèreté avec laquelle la chancelière Merkel à géré la crise migratoire en dit  long sur l'absence de réflexion à long terme quant aux conséquences d'une immigration de masse en provenance de l'une des régions les plus marquées culturellement et durablement troublées de la planète. Sera-t-il sans conséquence d'importer, avec les populations, leurs habitudes culturelles et leurs réflexes politiques ? La classe politique allemande, manifestement inféodée aux milieux d'affaires locaux, à traité la question comme s'il s'agissait de se servir dans le catalogue d'une société de travail temporaire. Le Moyen-Orient n'est pas qu'un simple réservoir de main d'oeuvre à bon marché, c'est aussi un laboratoire des pratiques politiques les plus dures de ce monde. La chancelière Merkel, et le reste de la classe politique germanique, ne semblent pas en avoir conscience.

On semble penser, en Allemagne, que le fait de se contenter de faire du commerce, épargnera au pays les affres d'une lutte contre les mouvements islamistes armées. L'enquête sur les origines des attentats du 11 septembre, en partie préparés à Hambourg, de même que la longue et scandaleuse existence du « Londonistan », désinvolture sécuritaire britannique, montre pourtant que le risque de voir un pays calme et prospère, comme l'est l'Allemagne actuellement, devenir un sanctuaire, une base de recrutement et d'organisation, une source de financement et d'armement pour les groupes jihadistes, est  réel. Et ce risque ne fait que croître avec l'afflux de nouvelles populations issues du Moyen-Orient. Vera-on la naissance d'un « Germanistan » ? Le réveil allemand sera-t-il douloureux ?

Bernard Antoine Rouffaer        15.1.2016




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